Why? - Alopecia

avril 24, 2008 · Print This Article

Why?

L’avantage, quand on parle d’un groupe suffisamment abscons, c’est qu’on peut affirmer sans ciller les pires imbécilités sans que personne (ou presque) ne s’en offusque. Et puis bon, un allumé bricolo qui fait de la pop sur Anticon, c’est pas le genre de chronique qui fait péter les stats d’un modeste webzine.
Entre les bobos nostalgiques du hip-hop intello de cLOUDDEAD (dont est issu Yoni Wolf) et les puristes qui vénèrent le premier non-album du groupe (Oaklandazulasylum), j’ai trouvé sans peine assez d’assurance pour dire quelques mots du petit nouveau sans fouler les plates-bandes voisines.

L’entreprise a des airs de traquenard. Nul doute que je finirai acculé aux dernières lignes d’une chronique évasive, fuyant les questions qui brûlent quelques lèvres fiévreuses : que reste-t-il à dire après le miracle Elephant Eyelash ? Quels recoins sombres de la pop sont restés vierges après son passage ?

Sombres, ils semblent l’être à l’écoute d’Alopecia. De la douce euphorie dans laquelle baignait l’effort précédent ne restent que ces fulgurances mélodiques, héritées autant des Kinks que des berceuses de Mark Everett. De ce point de vue, Why? ne déçoit jamais. Même au coeur de titres revêches, rendus plus difficiles d’accès par une voix qui se fait grave sur certains morceaux (”These Few Presidents”, “Good Friday”), chaque break discret est amené pudiquement aux explosions minuscules qui font irrémédiablement battre le coeur un peu plus vite. Ces mêmes constructions si chères aux Beatles période Abbey Road, la mélancolie en plus.

why-alopeciaPour le reste, des textes souvent macabres et une quantité beaucoup plus importante de flow rappé (”Gnashville”, “The Fall Of Mr Fifths”, “A Sky For Shoeing Horses Under”) privent l’album de la lumière qui irradiait d’Elephant Eyelash. Une métaphore meurtrière (”Song of The Sad Assassin”) sur la dissolution de son ex-groupe le prouve : Yoni Wolf fait un pas en arrière, et renoue partiellement avec ses racines.
Ca fait mal, au début. Devoir à nouveau envisager l’album au sein de la sphère hip-hop. Surtout quand il commence par de formidables pop songs (”The Vowels pt2″, “These Few Presidents”, “The Hollows”) qui débordent d’ardeur infantile et de refrains qui chiffonent le coeur.
Pourtant, l’objectif se fait plus clair à mesure que les pistes s’égrenent, et l’album glisse doucement vers un hip-hop tendance abstract, moins cotonneux que celui de cLOUDDEAD, un peu plus optimiste peut-être. Surtout un hip-hop qui n’oublie rien des incursions mélodiques du groupe, appuyées par un piano ni tout à fait juste, ni vraiment accordé, et cette voix de MC qui s’assume dans un chant fragile.

“Fatalist Palmistry”, chant du cygne de la face pop de l’album (et exactement le septième titre sur les quatorze qu’il comporte), déchaîne les talents mélodiques du groupe en 4 minutes lumineuses dont la guitare lead invoque le spectre d’Elliott Smith. Puis “The Fall Of Mr Fifths” impose un rap sans concessions, plein de subtilités rythmiques, et annonce une deuxième moitié d’album qui se révèlera le miroir parfait de la première : les pop songs mâtinées de hip-hop, parfois doublées d’un flow menaçant, se muent en titres hip-hop où subsistent mélodies cristallines et envolées lyriques.
L’aboutissement se fait d’une limpidité exemplaire quand arrive le dernier vrai titre de l’album. Pas forcément le plus réussi, ni le plus attachant, “By Torpedo or Crohn’s” réalise cependant la symbiose qui semble devoir guider Why? à l’avenir : les dernières conventions volent en éclat dans un titre rap, qui met en avant un texte et les possibilités rythmiques qu’il offre pour déboucher sur un refrain mélodique en diable, et seulement fredonné. Après s’être cachés, chassés, croisés, le yin et le yang semblent s’être trouvés sur un morceau finalement apaisé.

Les inconditionnels énamourés du précédent album pourront, à force de mauvaise foi et d’écoutes distraites, bouder leur plaisir un premier temps. Mais Why? touche ici à une certaine idée de l’universalité, et livre désormais une musique hybride vraiment innovante, qui laisse rêveur quant à la suite des évênements. Espérons que le groupe atteindra de nouveau, par le biais de cette nouvelle orientation, les sommets qu’il avait chatouillés sur Elephant Eyelash.

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