Pearl Jam - Ten (1991) : années rebelles et cheveux longs

Oui, on sait, Ten est un album incontournable. Oui, c’est vrai, on le connaît par cœur. Oui, d’accord, tout a été dit sur Pearl Jam, considéré comme l’un des tout meilleurs de la génération 90. Il n’empêche, parfois la nostalgie vous saisit en plein vol, et en redécouvrant un pan de votre adolescence, vous vous apercevez aussi que les opinions changent. Ou se renforcent. Avis de toi, lecteur lambda (50% homme, 50% femme).

Je, lecteur lambda, n’avais pas entendu Ten depuis des lustres (mais alors, des beaux lustres, avec les strass, les bougies et les dorures). Comprendre : au moins dix ou douze ans. Entre temps, j’ai grandi, pris du poil au menton et du bonnet de soutif. Je n’ai plus de boutons, je lave mes cheveux régulièrement et Kurt Cobain est mort. Comme le grunge, c’est du passé, je me suis naturellement tourné vers des trucs d’adulte, des trucs modernes, c’est à dire que j’écoute désormais Opeth et Emilie Simon. Pourtant, l’autre dimanche, alors que j’étais chez mes parents pour déjeuner, et vu qu’il faisait moche, j’ai décidé d’aller dans ma chambre. Mâman, pareille à elle-même, a laissé là mes Barbie, mes Majorette, mes posters de Kurt et mes CD. Tiens, me dis-je, allons donc voir si l’ado rebelle en moi est définitivement mort…

Il était là. Entre le single d’Aerosmith feat. Run DMC et l’album des Worlds Apart. Ce disque que j’adulais, avant que Nirvana ne prenne sa place dans mon coeur et dans mon walkman (oui, je copiais mes CD sur cassettes grâce à ma chaîne Hi-Fi hi-tech). Levant leurs bras sur la pochette, les membres du groupe semblent me supplier de les sortir de leur étagère poussiéreuse et de leur redonner une chance. Groupe culte, album référence : après tout, pourquoi pas ? Alors, je l’ai embarqué, et ramené chez moi.

Ce fut un retour brutal aux années 90. Mais graaaaaaave quoi. Giga mortel. Tout m’est revenu : le bermuda fluo, le tee-shirt Waikiki, la montre Flik-Flak, mes draps Fido-Dido, mon bandana Rambo et mes vieilles Converse aux panards. 21Jump Street et Sauvés Par Le Gong à la télé. Ghost et Full Contact au cinéma. Pearl Jam dans les esgourdes. Mauvaise, mauvaise époque. Pas bon signe, je le crains.

Inévitablement, Ten a pris un coup de vieux. Avec le recul, on comprend son statut de roc du Rock, emblématique d’une génération, fer de lance d’un genre. Et on reste foutrement attaché à ce monument, non seulement pour les souvenirs, mais aussi pour sa richesse, à l’époque inestimable. Des refrains entêtants, des riffs rentre-dedans, une voix hypnotique, un concentré de tubes Rock qu’il suffit d’entendre une seule fois pour les reconnaître (”Alive”, “Even Flow”, “Jeremy”…). Vraiment un album indispensable qui n’a pas volé sa réputation. Pourtant, bien qu’on l’adore, Ten n’est pas exempt de défauts, loin de là. C’était du grunge, le son est donc assez mauvais. Les effets (sur la basse en particulier) sont désormais démodés. La voix est parfois mal placée, frôlant les fausses notes. Le songwriting est balbutiant, les mélodies auraient mérité des arrangements plus poussés : tout cela donne des morceaux très imparfaits, à la limite de la facilité, parfois laborieux. Mais Ten regorge d’une sincérité et d’une jeunesse sans vanité qui font qu’on lui pardonne absolument toutes ces petites erreurs de débutant. Et puis, il faut le replacer dans son contexte. Il est certain que si ce disque sortait aujourd’hui, avec son son “groupe amateur qui joue dans son garage”, sa production un brin démodée et ses mélodies cucul, il n’aurait pas du tout le même succès. Néanmoins, Ten est comme un vieux tableau de maître : bien qu’encroûté, terni, jauni, voire encrassé par les âges, il reste un chef d’œuvre majeur de son époque.

Afin de parfaire votre culture Rock, d’attiser votre curiosité ou simplement de voyager dans le temps, vous pouvez allègrement vous (re)procurer un petit (gros) bout de cette légende Grunge qui a changé la face du Rock et du Metal.