JPL – Rétrospections Volume I (Quadrifonic / 2008)

Jean-Pierre Louveton a dû vendre son âme au rock progressif, à ses prodiges et à ses exigences, je ne vois que cela. Comment sinon expliquer la foisonnante carrière de cet autodidacte surdoué qui depuis une vingtaine d’années, a œuvré au sein de différents projets, a formé le groupe Nemo dont le succès sur la scène progressive n’est plus à prouver, et a sorti pas moins de trois albums en solo, tout en poursuivant ses activités de prof de guitare pour tous publics ?

Hyperactif de la gratte, Jean-Pierre Louveton, nom de code JPL pour ses activités en solitaire, est même prolifique au point d’entamer avec cet album une trilogie de morceaux qui jusque là restaient stockés au fond d’un tiroir. Rétrospections Volume I s’étale ainsi sur une dizaine d’années et livre toutes les facettes du talent de son auteur.

Avec une entrée en matière percutante voire incisive qui rappelle les tous débuts du groupe Queen, le ton est donné : «Silence dans la salle !», maintenant on écoute. Cela peut sembler un brin mégalo à la simple lecture du livret, mais en se mettant le son bien entre les deux oreilles, on comprend assez rapidement qu’effectivement, il ne s’agit pas d’un fond sonore. Nous sommes convié-e-s à partager un univers aussi complet que complexe avec très peu de mots, seuls “Soleil d’hiver” et “En un clin d’œil” sont chantés. Ici, c’est la guitare qui chante, qui parle, qui s’exprime. Les rares textes semblent être des poèmes égarés là comme on insère un instrument supplémentaire à une mélodie qui aurait pu s’en passer mais devient plus brillante avec. D’ailleurs, il semble que du côté de la plume, l’immense Gérard Manset ne soit pas bien loin au niveau des intonations faussement maladroites, des mots en équilibre ténu entre le lunaire et le mélancolique : ‘Un coup de vent / Un clin d’œil / Un geste de la main / Et le présent est en deuil’ (”En un clin d’œil”).

Bien qu’écrits à des périodes différentes et dans des états d’esprits différents, Rétrospections Volume I évite le piège du puzzle maladroit qui tombe à plat. À l’image d’un livret soigné sur le thème de l’espace et de l’évasion (comment ne pas penser à Icare s’approchant toujours plus du soleil en regardant la couverture ?), les morceaux s’enchaînent avec fluidité dans une progression logique, des influences planantes de Yes présentes sur “Ma première mort” jusqu’au déchaînement architecturé et inquiétant du morceau “Extrême stress / Décompression”.

Bien sûr, on retrouvé çà et là les éléments indispensables du rock progressif, notamment une forte empreinte des rois Pink Floyd (Rest In Peace, Rick Wright…) sur “Loins” ou un exercice de style ébouriffant sur “Cathédrale”. Mais là où Rétrospections Volume I diffère de nombre de ses contemporains, c’est que l’exercice de style n’est pas lourd, ni démonstratif. Il ne s’agit pas simplement de tripoter du manche pour tripoter du manche, il s’agit pour JPL de mettre sa virtuosité au service du son et des sensations qu’ils vont procurer : un voyage spatial pour «Planète en vue», ou une frénésie fatale dans «No comprendo», deux morceaux soulignés par une basse omniprésente et ensorcelante.

Alors évidemment, si vous n’êtes pas très familier avec le progressif ou que vous avez quelques réticences, cet album n’est pas fait pour vous… dans l’immédiat. Il peut en effet vous sembler trop démonstratif. Mais c’est vraiment une impression de façade, et une fois le verrou de l’hermétisme qu’inspire souvent ce genre musical cassé, ou si vous aimez déjà le rock progressif, ou même si vous êtes un-e simple amoureux-se de la guitare, arrêtez-vous, installez-vous confortablement, c’est un beau voyage qui commence.

01. Silence dans la salle !
02. Du temps de Louis
03. Ma première mort
04. Loins
05. Soleil d’hiver
06. Cathédrales
07. Planète en vue
08. L’orée
09. No comprendo
10. Extrême stress / Décompression
11. En un clin d’œil
12. Au revoir, à jamais…

Site officiel : http://jplouveton.free.fr/accueil.htm
MySpace officiel : http://myspace.com/jplouveton
Site du groupe Nemo : http://www.nemo-world.com/