Heureusement, les barrières sont faites pour tomber un jour. Ou au pire, pour être franchement escaladées. C’est ce que nous propose Nicolas Bauer, qui, du Conservatoire à ses collaborations avec entre autres la géniale diva tunisienne Emel Mathlouthi, a pris le parti de ne pas s’enfermer dans son propre talent. Cet auteur-compositeur-interprète autodidacte, spécialiste de la basse et de la contrebasse livre ici un voyage en terres de jazz sans mots, accompagné des musiciens Kalil Chékir au qanûn, Pierre Mangeard à la batterie, Stéphane Tsapis au piano et Hamza Touré aux saxophones. Oscillant entre un jazz pointu et raffiné et les incursions orientales (de « Chinatown » à « Ibrahim »), cet album est un petit miracle aux accents intemporels, qui joue avec les codes du genre, respectés à la lettre, pour mieux y imprimer une convivialité toute personnelle et extrêmement maîtrisée. Évidemment, ce qui peut paraître élitiste au profane, ce côté réfléchi et ultra-cadré, se retrouve ici. On ne peut pas demander à un poisson de nager dans le sable. La base de rigueur traditionnelle et de composition millimétrée est très présente. Mais le tour de force du Nicolas Bauer Quintet est de ne pas tomber dans l’exercice de style froid voire pénible à qui n’est avide que de musique, de sons et de sensations. Chaque chanson est une belle histoire qui, dès les premières notes, se déploie en couleurs. Une jolie réussite virtuose pour les amateurs de jazz noble, une belle découverte pour ceux qui savent écouter un bel album en fermant les yeux, à la recherche de l’apesanteur.
Présentation officielle de l’album :
https://www.youtube.com/watch?v=CEOZy8SNC1s#t=0
Site officiel :
http://www.nicolasbauer.fr/nb-quintet
Sur iTunes :
https://itunes.apple.com/fr/album/sezam/id687494376
Sur Facebook :
https://www.facebook.com/nicolasbauerquintet?fref=ts
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Chris Thile ose aujourd’hui un retour à Bach. Ce n’est pas une parenthèse ou une lubie de passage. D’autant que tout amateur de musique pop comme de musique contemporaine sait ce que l’époque doit à Bach. En aucun cas l’interprète propose un « à la manière de ». Il ne cherche pas non plus à faire du neuf avec du vieux. En aucun cas il veut moderniser le compositeur. L’album refuse tout aspect démonstratif ou une illustratif.
Celui que l’on surnomme « le mandoliniste le plus remarquable du monde » offre par son jeu une vision de Bach aussi modeste que renouvelée dans le bon sens du terme. Les grands amateurs du musicien germanique ne pourront crier au scandale tant la fidélité à l’œuvre est exceptionnelle. Quant aux amateurs de musique du temps, ils trouveront en ces interprétations un art de la sensation musicale débarrassée de traces conceptuelles ou sentimentales.
Rien d’étranger ne vient troubler le frémissement qui passe entre l’œuvre et son interprétation. Surgit la sensation d’un contact immédiat tant avec Bach qu’avec le temps. Et en dépit de sa douceur d’ensemble cet album impressionniste et exact ne tombe jamais dans un easy listening mâtinée de « bach-anale ». Chris Thile parvient à donner à entendre l’œuvre non afin que nous pensions à elle mais pour que nous l’éprouvions en un sentiment d’accord avec ce qu’elle est.
La musique rebondit d’un titre à l’autre, rejetant sur les plages du Pacifique des noyés sans visage dont les vieilles dérives surnagent en un blues qui sème la solitude et incruste des vestiges insomniaques. Il y a là tout un bastringue d’états d’âme, des éclairs d’identité plus ou moins clochardes. La musique reste âpre en ses instants secs et parfois torpillés par des braises lascives. On est toujours près du naufrage, tout est hagard. Néanmoins demeure quelque chose de sourdement paradisiaque. Des liaisons s’ébauchent dans des suites de frissons à travers des rues où l’asphalte jungle se fait ballast ou miroir. Des légendes finissent là où la musique parvient dans sa violence à fendre les vagues non seulement de l’océan mais des profondeurs de vie. Et ce même si elle s’effrite indiciblement dans le gris des déluges entre angoisse et merveille.
Les riffs ébouriffent les cheveux, griffent les jeans tandis que la voix clame au gré des notes. Les mots sont mêlés de bitume, de verre et d’une énergie flamboyante, à même de porter les distorsions tout comme les dissensions. La mise en œuvre sonne familière sans être cliché. Un peu comme un film qui s’approprie les codes du genre sans pour autant les enfiler sans talent. Et en matière de genre de film ou de film de genre, c’est selon les goûts, il serait plus ici question d’un ‘vigilante movie’. Sauf que le Charles Bronson justicier du cru n’a ni moustache ni arme de poing inépuisable, mais plus l’accord qui fait mouche. Avec en accompagnement la démarche tantôt précipité tantôt plus tranquille du héros sûr de son fait, martelée par la batterie.
Avec ses 6 titres aux titres imagés comme des scènes d’un même métrage, Legends and lie tire ses six coups sans coup férir. L’album est efficace, direct et empreint d’une identité marquée. Une pointe de mélancolie peut être perçue, comme une référence à des temps plus calmes. Mais il reste difficile de croire que Martin James ne s’épanouit pas dans la trépidation, tant celle-ci se déroule avec bonheur au gré des pressions sur la détente.
Bandcamp : http://martinjames-music.bandcamp.com/
Après, la jaquette noire, l’éclair, tout y est. Enfin, le groupe ne lorgne pas plus qu’à l’accoutumée du côté des Australiens en matière musicale, fidèle à son rock sudiste âpre. La nonchalance goguenarde est toujours présente, donnant lieu à un clin d’oeil appuyé à Led Zeppelin avec le titre « Everybody’s fault but mine ». Le reste de l’album est à l’avenant, offrant une assise rythmique solide et des riffs et chants abrasifs. Avec un brin de surenchère coutumière de la bande d’Atlanta.
Cette emphase prédomine sur l’impression générale. Up the dosage ne constituera certainement un de ces jalons du rock que peut être la référence Back in black. Il n’en est pas pour autant à déprécier, dans la mesure où il constitue un solide divertissement à même d’accompagner la dégustation d’un bourbon râpeux dans un bar enfumé, au bruit des queues qui cognent contre des boules. Et pour ceux qui en doutent, il est bien question de billard.
Site : www.nashvillepussy.com/
En effet, au travers de ce titre unique, le duo de Cambridge, poursuit la dimension bruitiste, doom, drone posée par Karmic Experience. une fois passée l’entrée du terrier du lagomorphe, la réalité se tend et se distord, comprimée et dilatée à la fois au travers de pressions mécaniques. Le son vibre en différentes couches, promptes à créer un horizon brouillé, dont l’écho en vient à se percuter lui-même.
C’est là peu dire que les repères sont brouillés, les perspectives faussées. Le bruissement généré peut sembler oppressant, et c’est sans doute là le but avoué : rendre ce terrier bien trop étroit, sans issue perceptible, avec une note lancinante, des murmures incompréhensibles à la suite, un tout qui en devient menaçant et donne envie de trouver un bol d’air frais au plus profond des entrailles huileuses de la terre. Une entreprise vaine, funeste, sans doute fatale.
Site : https://www.reverbnation.com/synsophony
La formation a fait le choix d’oéuvrer dans une sphère instrumentale. Cette démarche se double d’une volonté de s’affranchir de toute contrainte musicale, pour mieux faire ressortir ses élans de liberté. Et cette latitude s’exprime tant par des silences que des flamboyances rock affirmées. La singularité de mise classe forcément la formation au rayon du ‘post’ quelque chose. Mais l’étiquette sur le flacon n’est pas la plus importante, pourvu que l’ivresse soit au rendez-vous.
Les intervalles et la précision sont cruciaux dans les mouvements proposés, qui se déroulent et se découvrent à leur rythme, au gré des pulsations et percussions. Du travail en puissance sans taper comme un sourd. Et c’est là qu’il est possible de se demander si le titre de l’album n’a pas induit en erreur : si la progression peut augurer de la fin de quelque chose, elle jette tout autant les jalons d’un autre, monde, territoire, temps ou que ne sais-je. Cet autre vibre, bouge, évolue. Une fin comme tout un chacun souhaiterait en avoir.
Site : http://saar.bandcamp.com/
Peut-être plus encore que par son galop d’essai, cette suite de cinq titres rappelle les envolées furieuses de Dave Grohl. La batterie bien que martelée, est sans doute encore trop légère pour évoquer la frappe de mule du sieur, mais les riffs enflammés et âpres comme du bourbon frelaté glissant dans un gosier assoiffé produisent un effet trépidant le long des membres, donnant envie de les agiter furieusement. Les compositions parviennent à canaliser une pulsation animale et une impatience toute cérébrale afin de donner un corps faussement négligé à leur substance. On pourrait croire que tout est instinctif chez Meredith, mais ce serait négliger la précision qui se dissimule à peine au sein du flot de saturation.
La paire sait laisser de côté la fureur pour des instants plus intimes et la vibration perdure néanmoins. Comme quoi le modelage suit son cours et que de nombreux et beaux objets sont à attendre du côté de chez Meredith.
Site : http://wearemeredith.com
A l’inverse, Anne Clark a cultivé un retrait : il l’a desservi sans doute mais il prouve combien une telle artiste vieillit (si l’on peut dire) bien. Sa musique ne s’est pas arrêtée aux années 80. L’Anglaise épouse le temps qui n’a pas de prise sur elle sans toutefois chercher à s’adapter aux vagues et à leur écume. Elle reste ancrée dans un cheminement musical plus qu’intéressant. Son univers s’approfondit au sein d’une expérimentation qui trouve un nouveau développement avec Fairytales From The Underground façonné avec HerrB. Sans concession à la facilité, l’artiste y développe ses mélopées sombres et profondes avec le détachement nécessaire pour ne pas les transformer en lourds pensums.
La musique à la fois glisse mais se fait âpre quand il convient. Elle propose les échos ou les contrepoints à des lyriques qui ne sont jamais anecdotiques mais à l’harmonie envoutante. Variant les formats, Anne Clark est capable d’expédier en quelques poignées de secondes une aria tragique ou à l’inverse donner le poids nécessaire aux forces vitales qui, à la béatitude ailée, préfèrent des amarres terrestres dont l’électro sert dans son abstraction de paradoxal crochet.