Cher Daniel Darc,
Commençons par le début : le 28 février dernier, tu a pris la tangente pour de bon, nous laissant dans une détresse choquée, le souffle court et l’œil mouillé.
Au-delà de la douleur et de l’abandon, se pose toujours dans ces moments-là la question de l’héritage. Et il y a de quoi faire : écorché vif, jusqu’au boutiste, tu as mené ta vie et ta musique au bord de tous les précipices. Figure de proue du groupe Taxi Girl, pionniers français d’un savant mélange punk électro rock, à cheval entre la mèche enjôleuse de dandy en plateau télé et les veines tranchées dans un acte désespéré sur scène, on pourrait dire que tu as su rebondir ensuite. Sauf que les bonds, ce n’était pas ton truc. De saut, tu ne connaissais que le grand. Et tu l’as fait mille fois. Dans les errances de la came, de toutes les cames, dans l’encre poinçonné sous ta peau et sur le papier, dans la nuit crade et les petits jours filandreux, dans l’art.
C’est précisément cela, ta poésie et ta musique, que l’on retrouve là. Pedro Peñas y Robles, Monsieur HIV+ entre mille autre vies, a fait naître cet album dont il est question aujourd’hui. Parce que bon, dans ce Tribute, on parle de toi, par toi, pour toi, alors autant que ce soit avec toi, aussi, un peu. Et Pedro, il a mis les deux mains dedans pour regrouper des réinterprétations multiples des temps forts de ta carrière. Ainsi, on va retrouver toute une équipe musicale qui, si elle n’est pas totalement inconnue (je pense au morceau « Les armées de la nuit », honoré par un ancien d’Indochine et un membre de Madinka), n’aura jamais les honneurs des radios qui osent encore s’appeler libres. Et après tout, on s’en fout. N’empêche, entre Jvne qui donne, au bord des larmes, une relecture anglophone flirtant avec Gainbourg de « La pluie qui tombe », Torso et sa reprise chaotique et tendue de « Nijinski », Electrosexual (tiens, Emmanuelle5, toi ici, comme le monde est petit…) qui s’empare de « Aussi belle qu’une balle », l’un des deux succès de Taxi Girl pour faire de la musique à danser sans tomber dans le grotesque, l’autre classique, l’inévitable « Cherchez le garçon » étant refroidi à l’azote jusqu’à l’effrayant par Adàn & Ilse derrière lesquels ne se cache pas tant que ça Pedro, et la new wave spectrale de People Theatre, on navigue en eaux mouvantes et émouvantes, mais jamais on ne se perd. Comme quoi, tu étais peut-être plus compris et entendu que tu ne l’auras jamais cru. C’est cela, la famille. Même ta mise en musique du Psaume 23 sera ici rendue, ironique et lugubre, par le groupe dont le nom même, Occulte, fera sourire jaune mégot le mystique en toi, petit enfant juif devenu athée farouche avant de se tourner avec une ferveur totale vers le protestantisme.
Bref, cet album, il est beau, vraiment. Et si tu pouvais, de là où tu es, dire à ceux et celles qui t’ont aimé d’aider à son financement, de faire partie de cette aventure, afin que cet hommage devienne tangible, éternel, vif, ce serait bien. Afin qu’il te ressemble. Afin qu’il te survive. Afin qu’il existe.
Salut Daniel. Repose en paix, comme on dit… J’aurais quand même aimé pouvoir t’embrasser.
- Filip C. – La pluie qui tombe
- Rhizome – Pitchipoi Hotel
- Adàn & Ilse – Cherchez le garçon
- Dams & Herren – P.A.R.I.S.
- Noël Matteï & Dominik Nicolas – Les armées de la nuit
- Electrosexuel feat. Emmanuelle5 & Magritte Jaco – Aussi belle qu’une balle
- People Theatre feat. Eva Peel – Je suis déjà parti
- Dead Sexy – Paris (en vidéo du moment)
- Flowers Industry feat. HIV+ – Serai-je perdu
- Torso – Nijinski
- Jvne feat. Violatina – The rain which falls
- Complot – Je souviens
- HIV+ & Les Modules Étranges – Monna
- Follow Me Not – Nijinski
- Garçon – Mannequin
- Occulte – Psaume 23
- Les Chiens Maudits – Le seul garçon sur Terre
D’abord… Écoutez l’album !
Puis… Participez à l’aventure !
Enfin… Suivez l’avancée du projet !
Graphisme : L’atelier Belle Lurette
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?