Grosse affiche et longue soirée à Lyon : trois concerts, trois genres différents se retrouvent. Et c’est presque par hasard que Les Immortels étaient présents, perchés tout en haut des magnifiques gradins en pierre qui font mal aux fesses de Fourvière.
Tout d’abord, en apéritif, le petit nouveau de la programmation, Lescop. Son premier album éponyme avait déjà été chroniqué par ici. Il faut bien le reconnaître, si se retrouver sur la scène de Fourvière relativement en début de carrière est un privilège, la première partie de cette longue soirée reste une position relativement ingrate. Ainsi, Lescop a dû faire tout son set devant une audience réduite, devant des gens en train d’arriver et de s’installer. Et surtout, en plein jour. Or, la pop noire de Lescop, joli croisement entre Étienne Daho et Joy Division, se porte en noir, se porte la nuit, se savoure en lieu clos. Du coup, le soleil fou de l’été lyonnais et l’amplitude des arènes romaines ne représentaient pas le cadre idéal. Mais qu’importe, Lescop a assuré et a livré une prestation pêchue, propre et honnête, peut-être un peu trop copié-collé direct de son album, mais très agréable. Une belle mise en bouche. Chapeau.
En deuxième partie de soirée, CocoRosie. Visiblement celles que l’écrasante majorité de l’assemblée attendait. Les deux frangines étranges venues sur le papier des États-Unis mais en vrai sans doute d’ailleurs, de beaucoup plus loin, from outer space, comme dirait l’autre. Entourées d’une human beat box exceptionnel qui nous gratifiera même, en cours de set, d’un solo tout bonnement hallucinant, et de rares musiciens étranges bidouillant et pianotant, elles ont littéralement ensorcelé la foule en présentant quasi-exclusivement leur dernier album. Sierra Casady la brune, sa harpe et sa voix ample et lyrique (à demi-étouffée de manière incompréhensible sur l’album Tales Of A Grass Widow). Bianca Casady la blonde, sa flûte occasionnelle et sa voix qui ferait passer celle de Björk pour du miel. Accoutrées comme à leur habitude de pelures étranges et parées d’un troublant malaise intérieur, elles ont mené leur prestation avec brio, nous invitant dans leur bulle électro déjantée de joie, de douceur, de tristesse (”Child Bride” ou les malheurs racontés à la première personne d’une fillette de cinq ans mariée de force dans une région tribale, balancé en morceau d’introduction) ou d’enfance (”End of Time”). Sans nous laisser d’autre possibilité que d’être électrisé-e.
Enfin, à la nuit tombée, c’est donc Sinéad O’Connor qui aura le mot de la fin. Pieds nus, habillée de noir et le cheveux toujours rasé de près, la diva de Dublin aura maille à partir avec des soucis techniques de son tout au long de sa performance, et aux départs discontinus d’un bon tiers de la salle visiblement rassasié par la performance de CocoRosie. Son set est pourtant bien rôdé, alternant morceaux du nouvel album (pas le meilleur, mais bon…) et anciennes chansons tant attendues. Si l’on peut déplorer une version terne au possible du culte ”Nothing Compares 2 U’‘ de Prince, l’ensemble est porté avec ce charisme que personne n’a oublié, et qui, encore aujourd’hui, est capable de sécher toute une assemblée, comme l’a-cappella ”I Am Stretched On Your Grave” ou le toujours ébouriffant ”Fire On Babylon”. Pour le final, Sinéad O’Connor a choisi le malicieux pied-de-nez ”Daddy I’m Fine”, interprété au milieu des coussins volant de toute part, tradition des Nuits de Fourvière oblige. Cette voix magique est toujours là, tantôt nostalgique et tendre, tantôt révoltée et puissante.
Au retour, engoncés dans le tout dernier métro, il n’y a eu qu’un seul regret : de ne croiser personne portant un instrument de musique pour prolonger l’aventure et chanter ensemble des sombres rencontres nocturnes, des odes à l’enfance perdue et des révoltes du cœur.
Crédit Photos : LoLL WILLEMS
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?