Joie ! Joie ! Le label Ant-Zen, qui avait réédité il y a peu l’excellent The Place Where The Black Stars Hang et le très bon Carbon/Core de Brian Williams alias Lustmord, continue sur cette lancée, et ressort aujourd’hui le phénoménal Heresy et le très bon Purifying Fire.
Or Heresy, qui va nous intéresser plus particulièrement, ce n’est pas rien. Cet album de 1990 (résultant d’enregistrements dans des souterrains, cryptes, etc., effectués de 1987 à 1989) est souvent considéré comme une pierre angulaire, voire comme l’œuvre fondatrice du genre dark ambient. Eh oui, tout de même. Cette évocation de l’hérésie en six parties (qu’il serait sans doute vain de vouloir distinguer) a pu être comparée à un voyage en enfer… Mais si l’enfer est aussi beau, il mérite bien cette proclamation hérétique : ON VEUT Y ALLER !
Car Lustmord, à l’aide de son field recording chtonien, élabore ici une extraordinaire symphonie noire, minimaliste comme de juste, et pourtant d’une richesse dans les textures et d’une densité phénoménales, qu’on ne retrouvera à vrai dire que rarement dans les productions ultérieures du genre (si ce n’est peut-être dans des merveilles du type The Place Where The Black Stars Hang, toujours de Lustmord, donc…).
Nappes vrombissantes émaillées d’explosions industrielles, ponctuées de hurlements et de gémissements de nourrissons (sacrifions, sacrifions !), parfois accompagnés d’angoissantes incantations chuchotées, dessinent avec une maestria peu commune tout un univers onirique à la noirceur sans pareille. Et l’auditeur de se laisser emporter avec délices dans ces sabbats nocturnes et reclus, ces rites impies célébrés au plus profond, au plus magmatique des temples. Lustmord, en évoquant l’hérésie, suscite une incroyable odyssée sensorielle, génératrice de merveilleux frissons. On reste tétanisé devant cette exploration hardie de ce que la musique peut produire de plus extrême dans la nuance. Mais le mot le plus juste pour définir l’impression générée par Heresy serait peut-être celui de terreur, avec tout ce qu’il recouvre de stupéfaction et de fascination pour l’esthétique de l’horrible et du douloureux…
Joyau d’obsidienne magnifiquement ciselé, Heresy est bel et bien un chef-d’œuvre, et ce dans tous les sens du terme : œuvre séminale et en même temps indépassable, cet album constitue d’emblée un sommet du genre qu’il définit. C’est dire si cette réédition est bienvenue. Un coup de maître, qui reste toujours aussi efficace après toutes ces années. Indispensable.
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?