Mala. Mystique, exotique Mala. Ainsi reparait Devendra Banhart, regard profond et barbe hirsute tournés vers le ciel, plongé dans une spiritualité qui, depuis quelques temps, lui faisait défaut. Avec ce huitième album, l’illustre roi de la pop-folk post-hippie renoue avec une légèreté apparente qui dévoile peu à peu une profondeur spirituelle rarement atteinte.

La première écoute des auditeurs inconditionnels est surprenante par l’évidente uniformité des 14 morceaux. Devendra Banhart, l’artiste de la diversité, celui dont les albums alternent entre blues bien gras de huit minutes, bossa nova de plages brésiliennes et balades à contretemps semble s’être apaisé à travers  un disque plus « logique » et des morceaux uniformes. Malgré tout, Devendra a su conserver sa plus grande qualité, qui est à la fois le plus grand piège pour l’auditeur, l’easy listening de la légèreté du hippie moderne, celle de “Carmensita” et de “Just like a child”. Ce disque qui peut sembler si agréable et si doux, et qui le restera pour certains qui en seront pleinement satisfaits, est habité par une spiritualité ironique voire malsaine.  L’humour acide qui habite l’album est presque  revendiqué dans sixième morceau et le plus long de l’album,  “your fine petting duck “. Le morceau, absolument  génial, est ouvertement foireux. Dès le départ ,cette voix, celle de sa fiancée, atrocement fausse, bouleverse  l’étonnante harmonie du début de l’album avant que la douce voix de Devendra reprenne le dessus. Voilà qui aurait pu être anecdotique si le morceau s’arrêtait là. Mais ce “your fine petting duck” intelligemment drôle quand, après quelques minutes et le traditionnel miaulement banhartien, dégénèrent quelques notes de clavier. Devendra Banhart, le chaud latin, celui qu’on écoute paisiblement au soleil, étendu sur le sable brulant d’un été trop court, part totalement en Kraftwerk, dans un electro glacialement ironique, le tout dans un allemand prononcé en portugais par ses soins et par le rossignol de l’intro.  Ce morceau, à lui seul, justifie une écoute différente du disque. Peu à peu les passages agréables, gorgés d’un sourire angélique, se révèlent profondément malsains, (”Never seen such good things”).

Ainsi Devendra Banhart se cache derrière son image de gentil hippie moderne pour atteindre une spiritualité qu’on ne lui soupçonnait pas, l’album est un sourire cruel, une suite de Mantras bittersweet qui s’achève sur un morceau de génie. “Taurobollium”, litanie malsaine jouissive et euphorique. “I can’t keep myself from evil”.  Le mal derrière la douceur. Magistral.

1. “Golden Girls” 1:35
2. “Daniel” 3:05
3. “Für Hildegard von Bingen ” 2:36
4. “Never Seen Such Good Things” 3:13
5. “Mi Negrita” 3:24
6. “Your Fine Petting Duck” 5:46
7. “The Ballad of Keenan Milton ” 2:16
8. “A Gain” 1:35
9. “Won’t You Come Over” 3:37

10. “Cristobal Risquez” 2:28

11. “Hatchet Wound” 3:10

12. “Mala” 1:08

13. “Won’t You Come Home” 3:31

14. “Taurobolium” 3:16