Le label allemand Ant-zen, surtout connu pour ses productions emblématiques du son techno-indus mais qui ne saurait définitivement être limité à ce style particulièrement excité, a récemment eu la joyeuse bonne idée de ressortir deux albums majeurs de Brian Williams, plus connu sous le nom de Lustmord, The Place Where The Black Stars Hang et Carbon/Core. Autant dire que l’on tient là la quintessence du dark ambient, genre dont on dit qu’il fut à maints égards fondé par ledit Lustmord avec son album Heresy (1990).
The Place Where The Black Stars Hang : le moins que l’on puisse dire est que ce titre de 1994 annonce la couleur. Lustmord nous invite ici à un périple sidéral aussi effrayant qu’enthousiasmant en direction de Carcosa, en compagnie d’Ambrose Bierce, Robert W. Chambers et H.P. Lovecraft. Et c’est pour Brian Williams l’occasion de déployer toute sa science – le mot n’est pas trop fort, on a souvent glosé sur son côté « chercheur » – du design sonore et des ambiances oppressantes. En cinq sections, Lustmord démontre, s’il en était encore besoin, qu’il est bien le maître du genre.
L’album s’articule pour l’essentiel autour de deux très longues pistes, « Aldebaran Of The Hyades » et « Metastatic Resonance ». La première, avec son aussi délicieux qu’imperturbable flux et reflux qui navigue entre les enceintes, est une superbe pièce des plus séminales ; 25 minutes de flippe subtile, sur un canevas minimaliste en apparence – mouvement perpétuel appliqué au son – mais pourtant d’une richesse indéniable dans l’élaboration de textures génératrices de doux frissons.
« Metastatic Resonance », empruntant à des recherches sonores antérieures, joue sur un tableau différent. Assemblage déstructuré (ou pas) de bizarreries auditives sentant plus frontalement le field recording (que le monsieur a pratiqué dans les endroits les plus saugrenus…) sur fond de nappes « spatiales » hypnotiques, cette longue expérimentation, moins répétitive, emporte à nouveau l’adhésion.
Le reste n’est bien entendu pas à négliger pour autant. Si la brève introduction « Sol Om On » sert surtout à poser le décor – vide interstellaire –, il n’en va pas de même pour « Dark Companion » (dont le chant incantatoire semble bien destiné à faire rappliquer les Grands Anciens) et « Dog Star Descends », parfaite conclusion et récapitulation.
Un chef-d’œuvre bâti sur le néant, un album qui n’a pas pris une ride en 20 ans. Indispensable.
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?