L’enfant de Bab El Oued fut découvert par Manu Key (Mafia K’1 Fry). Il l’invita pour un interlude solo (”Respect”) sur l’album La Rime urbaine en 1996. Après deux maxi-singles, Pour l’horizon / De ma haine à ta haine et Ricochets / Encore et encore sur le label de DJ Mehdi, il apparait en 1999 sur la compilation Première classe vol. 1 En 2002, son premier album, Top départ, sort sur Chronowax et on y retrouve les rappeurs J.L et Manu Key comme invités. En 2006, son deuxième album Identité en crescendo est écrit avec Djohar Sidhoum-Rahal (aka Raqal le Requin), musicienne et poétesse. On retrouve sur cet album des jazzmen de premier plan tel que Archie Shepp et Jacques Coursil. En 2010 sort L’être humain et le réverbère chez Big Cheese Records dont la pochette est réalisée par Jean-Baptiste Mondino.
Avec son 4ème album, Rocé est une nouvelle fois là où on ne l’attend pas. Jazz, drum and bass, breakbeats, trompettes soul et riffs de guitare électrique forment un melting-pot des plus réussis Celui qu’on considère comme un « rappeur philosophe » cultive ce qui reste sa marque de fabrique : textes forts sous flow à haut débit débité par sa voix grave et mate. Il y a donc loin entre Rocé et les rappeurs à la mode sur SkyRock et les quelques radios qui osent encore le genre.
L’artiste chamboule clichés et idées reçues sur lesquels les différentes cultures à la fois se construisent et s’ostracisent en France. Face à la culture de masse, il propose à travers ses albums un combat libertaire qui se refuse à s’accrocher à une idéologie. Toute posture crée en effet une imposture. Et le mixage du dernier album est là pour la mettre à mal. C’est courageux et sans doute mal compris. Et il faut avouer que Rocé à la fois fait peur et reste mal compris au sein même de sa culture qu’on nommera de base. Il lutte autant contre les effets de ghetto que contre l’impérialisme d’une musique du divertissement qui donne des images de bazars – que cultivent d’ailleurs très souvent les rappeurs eux-mêmes – à la diversité et à la différence.
Il reste que Rocé est un de ceux qui mettent à mal l’imagerie raciste. Il s’élève comme il l’écrit contre « l’ orgie de clichés dans laquelle les clowns sont et restent les mêmes ». Son travail s’élève en faux contre la société du spectacle et ses « pathétiques films fantasmes sur la banlieue, filmés comme des reportages animaliers ou un zoo avec ses bêtes sauvages à casquettes ». Face aux « fonctionnaires du cliché ambulant » et aux « fonctionnaires ambulants du cliché » Rocé poursuit donc sa route largement occultée par tous les médias. Quoi de plus normal : ils profitent de tous ces clichés et en font même leur fond de commerce.
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?