Steven Ellison, alias Flying Lotus, surprend une nouvelle fois avec son quatrième album, Until The Quiet Comes. L’électro de son précédent Cosmogramma était déjà impressionnant. Créé juste après la mort de sa mère, cet opus quasi mystique offrait une plongée entre éros et thanatos et une médiation onirique forgée à travers le numérique. Flying Lotus se permettait dans une musique quasiment expérimentale une série de coupures rythmiques, des moments atonaux et l’insertion de sons imprévisibles au sein de plages plânantes.
Until The Quiet Comes est d’une approche plus main-street. S’y perçoivent des tempos autant soul, indie rock, trip hop et jazzy le tout dans une atmosphère nettement tempérée par rapport à l’ambiance du précédent opus. L’artiste s’est entouré ici de pointures : Erykah Badu et surtout Thom Yorke avec lequel il avait déjà travaillé.
Les deux invités ne font pas de numéros d’équilibriste soliste. Ils ont su s’insérer dans l’univers et l’imaginaire de leur hôte. Par retour, il bénéficie de leur présence sans altérer son propos même lorsqu‘il ne compose pas lui-même ses titres (”Hunger” est dû à Jonny Greenwood). Mais Erikah Badu et Thom Yorke ne sont pas les seuls invités. Deux chanteuses moins connues ici (Niki Randa et Laura Darlington) offrent un renfort vocal à cet album. De même que Thundercat dont la basse fait des merveilles.
Le psychédélisme cher au créateur demeure présent. De même qu’une ambition de recherche dans la droite ligne de Sun Ra. Toutefois, Flying Lotus ne se laisse jamais enfermer dans un genre même si tout ici constitue un ensemble en retour vers une sorte d’apaisement. La musique emprunte moins de cuts, les beats sont plus « ronds » afin de donner à l’album une forme de melting-pot qui fonctionne parfaitement.
Le travail est très soigné, fin voire subtil. Certes l’onirisme glisse parfois vers des abysses. Toutefois, la musique ne sombre pas – à l’inverse du précédent album – vers des territoires aux affres délétères. Flying Lotus laisse sa musique flotter au dessus d’une mer de tourments. Si l’on en ressent les secousses on en échappe tout autant.
L’appel au voyage ne ressemble plus seulement à un chant de la sirène. La quête d’une rive fantasmagorique ne craint plus les écueils ou les dérives. Le navire Flying se dégage des eaux. Il ne se contente plus de flotter : il s’envole en ignorant les balises Argos musicales. Il se situe entre l’exode et l’interdiction (transgressée) de la traversée des frontières des genres. Until The Quiet Comes prouve qu’une telle mobilité ne peut provoquer que de nouveaux enchantements.
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?