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Interview partie 1 : Fanny avant la Faunesse

Les Immortels ont eu l’occasion d’échanger avec la musicienne polyvalente Fanny Codecco-Grando. Retour sur un début de carrière, au travers de trois parties recueillies jusqu’au bout de la nuit lors de deux sessions de chat.


Alkayl : Fanny, les Immortels ont fait ta connaissance au détour d’un bandcamp promouvant l’album de la Faunesse Mécanique. Mais avant d’en arriver là, il y a sans doute eu tout un parcours musical, peut-être même une quête.

Alors la question qui tue : Fanny, premier souvenir musical ?

Fanny : une quête ? Wouaaaaaah le gros mot. :D

Tu veux vraiment mon tout premier souvenir musical ? Je peux vraiment le raconter ?

 

Alkayl : Oui. Partage-le avec nos milliers de lecteurs. (Enfin, il y a beaucoup de bots au milieu)

 

Fanny : Bien. Attention c’est du lourd.

En fait j’hésite entre plusieurs :

  • entre Chantal Goya et “Bécassine” que je chantais à tue-tête le matin au réveil (ça met toujours l’ambiance quand on est parent, j’imagine) ;

  • entre « Babooshka » de Kate Bush qui passait au poste pendant que ma maman faisait ses teintures noir corbeau (depuis l’odeur de l’ammoniaque me rend nostalgique) ;

  • et enfin entre “Mon pantalon est décousu” (’si ça continue on me verra LES FEEEEEESSEU’) que je gueulais avec passion tout le temps que duraient les remplissages de frigo à Euromarché (oui à l’époque.. ça nous ramène super loin là) pendant que passait à la radio … « Babooshka » de Kate Bush

Je crois qu’on a bouclé une boucle.

Alkayl : Pas mal effectivement. On ne reconnaît pas forcément toutes ces influences dans ce que tu joues à l’heure actuelle, mais il faudra sans doute que je réécoute d’une oreille plus attentive.

Fanny : « Bécassine » reste un hit interplanétaire ^^

Alkayl : Alors, la deuxième question, qui sera peut-être connexe. Ton premier achat de disque (ou de cassette, tu es comme moi d’un autre temps) ?

Fanny : Pareil j’en ai plusieurs :

« Les Fabulettes » d’Anne Sylvestre, mais aussi France Gall “Il jouait du piano debout”…
Il y avait aussi Emilie Jolie, Steve Warring et (j’ai presque honte) de la variété italienne que mon père affectionnait particulièrement… ah et puis Renaud, mais c’est venu plus tard.

Et puis il s’agissait plus de disques qu’on me passait sur la chaîne hi-fi, donc c’était pas tout à fait associé aux mêmes choses.

Mais “La petite Josette” d’Anne Sylvestre, ça elle m’a suivie quelques temps !

 

Alkayl : J’aime bien quand les transitions se font toutes seules. L’enfance passe, l’adolescence pointe son nez et Anne Sylvestre commence à être remisée au placard, pour être remplacé par qui ?

Fanny : Alors en vrac et liste non exhaustive :

Samantha Fox. Oui je sais, pré ado, je rêvais d’être une rockstar blonde à gros seins et perfecto, et puis quand, 4 ans plus tard j’ai été blonde, certes, mais avec des roploplots, ben… j’ai été fan de Mylène Farmer… Chienne de vie ! ^^

Sinon j’ai eu ma période Véronique Sanson, pour arriver à Tori Amos début des années 90.
Là je ne te parle que de la scène pop rock variétoche, parce qu’on peut aussi parler musique classique.

 

J’apprenais le piano depuis l’âge de… heu… 7 ou 8 ans, et j’étais déjà un peu fan de Chopin et Erik Satie. Un côté de la famille m’a rapidement sensibilisée au jazz et à certaines œuvres classiques et l’autre m’a fait découvrir des œuvres plus lyriques.

Mais pour en revenir à la scène pop rock variétoche, j’ai découvert le rock assez tardivement.
Et mon “heavy metal”, ma rébellion musicale ultime à l’époque, c’était Tori Amos.

(bon ok, j’écoutais Nirvana aussi et Queen que j’ai découvert lors d’un voyage scolaire à Malte)

Alkayl : Alors, pour l’instant, tu as évoqué ton apprentissage du piano, débuté sur impulsion parentale. Nous t’avons découvert au violoncelle, comment es-tu venue à l’apprentissage de cet instrument ?

Fanny : Ah non non, le piano c’était de mon fait. Il y avait un piano à la maison et j’ai demandé à en jouer. Bon, ok, c’est aussi pour qu’au pestacle de fin d’année de l’école de musique je découvre… tadaaaaaa le violoncelle. Et là ça a été le coup de foudre. J’ai voulu changer d’instrument, sauf que mes parents s’étaient saignés aux quatre veines pour m’offrir un piano neuf et que donc, j’ai continué à peu près pendant dix ans, avec des hauts et des bas.

Pour le violoncelle, je m’y suis mise sur le (très) tard. A force de frustration(s), j’ai fini par sauter le pas. C’est surtout grâce à l’expérience Jorane, qui s’est mise au violoncelle sur le tard. Donc c’était possible. Moi j’avais toujours entendu des choses du genre “non mais c’est très difficile, et puis là maintenant c’est trop tard blablabla”

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Violoncelle et chaussures, la quintessence d'une artiste.

Et puis donc, je disais, à force de frustrations et parce j’avais un peu d’argent, j’ai acheté mon premier violoncelle à 27 ans (ahem il y a donc 9 ans) et suivi des cours.

La première année a été un cauchemar, mais j’avais tellement de complexes par rapport à mon âge avancé pour débuter cet instrument, que j’ai bossé tous les jours minimum une heure. J’ai changé quelques fois de professeurs avant de rencontrer une perle. Il m’a suivie pendant quelques années (pas plus de 4) et ce qu’il m’a enseigné me sert encore.

J’ai rapidement plus eu les moyens de poursuivre mon apprentissage avec lui mais comme je te disais à l’instant ce qu’il m’a appris me sert encore.

On en arrive aux années dèche et à la question du “comment continuer à jouer et progresser?”

Ben c’est simple : j’ai commencé à jouer avec des gens. Au début à un tout petit niveau et puis de fil en aiguille, ça a fait un peu boule de neige.

Alkayl : Tu as évoqué tes complexes par rapport à ton âge “avancé” au moment de la prise de contact avec l’instrument. Cela t’a-t-il posé des problèmes pour trouver des partenaires musicaux ?

Fanny : Pas vraiment.

Mais en même temps j’ai pas tant eu que ça à chercher des partenaires musicaux en fait. Ce sont surtout eux qui sont venus me chercher.

Mais oui sûrement que, par la suite, ça a freiné pas mal de choses. Je ne sais pas en fait.

Alkayl : Alors, après la boule de neige, on finit par réussir à bâtir un bonhomme. Quelles ont été tes expériences les plus marquantes à cette période ?

Fanny : Je n’ai pas eu beaucoup d’expériences en fait et toutes ont été marquantes d’une façon ou d’une autre, parce qu’elles ont correspondu à une marche à gravir supplémentaire. Et c’est vraiment à travers ces rencontres que j’ai appris le peu que j’ai intégré

Bon alors déjà première scène : Pagan fest 2007 en tant qu’invitée musicale. J’étais plus que débutante, et inutile de te dire que j’ai flippé ma race parce que ça s’est fait à l’arrache et que j’avais rien préparé, que je ne connaissais pas encore mon instrument et que j’avais peu de repères et aussi que je n’avais aucun retour sonore : en gros je n’entendais pas ce que je jouais.

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Un détour par Ouessant

Ensuite (c’est un peu flou niveau chronologie donc je prends le temps de me rafraîchir la mémoire en revisionnant mes albums photos).

Ensuite, dans la foulée j’ai rencontré Eve McTelenn. Nous avons collaboré pendant quelques années. Ce fut ma toute première expérience d’enregistrement d’album « à la roots ».

Et puis aussi c’est avec elle que j’ai appris au poser des accompagnements sur la musique des autres. C’était chouette. Depuis je n’ai plus cessé de faire ça. Je me sens bien là dedans. Autant composer de zéro est un calvaire, mais poser des notes sur une base me permet de facilement m’”envoler”.

C’est par Eve que j’ai rencontré deux des membres fondateurs de ce qui sera plus tard La Faunesse Mécanique.

Mais entre temps, il y a eu l’expérience Dark Sanctuary.

Il leur manquait un violoncelle pour leur dernier album et j’étais la seule immédiatement disponible, bien que tout à fait médiocre. Il me semble leur avoir dit quelque chose comme “Non mais vous êtes sûrs ?”

Donc bon, j’y suis allée. Je ne dirais pas que ça été simple, parce que ça ne l’a pas été pour moi (toujours débutante, et pas à l’aise avec mon instrument), mais ça a été ma première expérience d’enregistrement en studio.

Nous avons fait deux sessions : si je me souviens bien, la première d’à peu près 9 heures et la deuxième de 11h. Très consciente de mes limites, j’y suis allée à l’acharnement. Inutile de te dire que j’étais la-mi-née !… mais contente de l’avoir fait. Et avec toujours cette crainte de n’avoir pas su être à la hauteur.

Mais qu’importait au final, parce que c’est là que j’ai découvert que vraiment c’est en studio que je m’éclate. J’adore cette partie du boulot où tu vois naître au fur et à mesure des bandes superposées et collées les unes au autres, ce qui sera une chanson :

Son squelette, puis les tissus, les nerfs, les tendons au fur à et à mesure…

C’est terriblement exaltant.

Je ne pensais pas que l’aventure Dark Sanctuary irait plus loin, mais je n’ai pas dû réussir à les dégoûter, puisque j’ai fait partie de l’équipe pour leur concert d’adieu à Londres en octobre 2009.

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Dark Sanctuary - répétitions

Alkayl : Et c’est le genre d’expérience qui met en valeur un CV. Mais leur as-tu dit une nouvelle fois “Vous êtes sûrs ?”

Fanny : Je ne jurerais pas, mais il me semble que oui ^^ ou alors je l’ai pensé très fort.

Et toujours est-il que j’ai rarement eu aussi peur avant de monter sur scène parce que j’étais pas “au point”.

Alkayl : Et au final alors, quel est ton ressenti a posteriori de cette expérience ? Lorsque tu repenses à St Pancras, qu’est-ce-qui te revient, mis à part le trac ?

Fanny : Pas grand chose à vrai dire ^^

C’est quand j’ai réécouté les morceaux ensuite que je me suis juste dit : “ah ouais putain… !!!!” Je crois que j’étais dans un état second tout du long. Tu sais, comme quand tu es à la fois là et spectateur.
Mais une chose est sûre : je n’étais pas peu fière d’avoir aussi relevé ce défi et de n’avoir au final pas tant foiré que ça mes parties. Le rendu du concert était vraiment poignant quand j’y pense a posteriori et je me dis que DS, c’est vraiment de la musique qui prend toute son ampleur en live. Et puis bon on avait une équipe technique de folie!!!

Des gens simples et simplement compétents et content de nous accueillir. Que demander de plus ?

Pour moi c’était une première et me changeait des conditions plus que roots de ce que j’avais vécu jusqu’à présent. Je me souviens d’avoir remercié l’ingé son qui enfin avait compris que je voulais un son fidèle au violoncelle acoustique et qui me l’a offert sur un plateau en deux minutes. Je lui aurais baisé les pieds pour un peu.

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Dark Sanctuary - concert

 

Alkayl : Une fois le concert terminé, il a bien fallu retraverser la manche pour revenir dans l’hexagone. Comment, après cette grosse machine, es-tu passée à autre chose ?

As-tu eu un sas de décompression ou t’es tu remise au travail aussitôt ?

Fanny : J’étais entre deux projets : l’enregistrement de ce qui sera le dernier album de collaboration avec Eve McTelenn, et les prémices de La Faunesse Mécanique.

C’était ma deuxième expérience en studio avec Lionel Hubert. Là j’ai eu tout le temps de prendre mes marques pour faire et façonner l’album de feu le Mc Telenn Trio. Ca a aussi été une chouette expérience, très formatrice pour la suite et qui a amorcé une autre grande rencontre musicale : Lionel.

Il m’a quasiment tout appris de ce que je “sais” maintenant. Je ne sais pas grand chose, mais déjà vachement plus qu’à mes débuts. Tu sais, je n’envisageais pas la musique pour moi ailleurs que dans mon salon, pour les murs et le chat.

Ce sont les gens qui m’ont sortie de ma caverne.

(partie 2)



  1. Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?