Dès le premier titre et après quelques secondes de ce qu’on pourrait prendre pour une ballade, la voix de la chanteuse du duo Luna Gritt dégage la musique de toute dentelle lyrique. Cela ne cesse plus. Les quatre titres sont fascinants et lourds d’émotions par la magie de cette voix dure mais modulée et la qualité des textes : en particulier le titre en français “Passager”. S’en dégage une poésie particulière qui renvoie même la Grande Sophie à ses études.

Cette voix grave semble venir de loin et ouvre à une étrange phosphorescence phonique. Elle engendre un mouvement qui tend vers le rayonnement. L’extase de la vie est là, là où tout se tord mais où aussi tout se met en tension par une orchestration sobre. Le flux est à la fois ordonné et dégingandé : si bien que l’on attend le duo dans un véritable album où il pourra donner libre cours à une des lignes que se dessinent ici et qui forcément restent comprimées en un tel format.

Sous le sceau des scansions incisives, la voix sombre crée des éveils à un monde étrange et léger. “Nice Try” ou “Be Happy” rachètent les possibles larmes d’Eros. D’autant que tous les titres effacent leur manteau même si reste présent une mélancolie dans laquelle Luna Gritt ne tombent jamais.

Ces quatre chevauchées sonores tamisent la distance entre présent et passé, entre présence et absence. Elles intercalent une énergie qui rappelle en substance que, lorsqu’une histoire est finie, une autre recommence. D’où la sensation d’errer dans un temps où si nous nous croyons seuls la voix de la chanteuse ramène transforme la déréliction en pulsion. Preuve que Luna Gritt se partage entre une fée des songes et un chevalier errant dans une union inattendue.

Frugale, la musique trouve des phosphorescences noires ou blanches et propose des vertiges. Demeure la tentative toujours reprise de cerner un champ d’écoute qui éloigne de tout passéisme. On avance, on avance. Ciel-terre, gagnant-perdant entrent en conjonction intime où celui ou celle qui est « abîmé » n’est pas celui qu’on croit.

Le rayonnement vocal entraîne chaque morceau plus loin qu’une narration. Il ramène au jour l’enfoui. Différents degrés de « lumière mentale » glissent et jouent par effet de dynamiques. Tout est ici lieu mouvant plié en quatre esquisses fuyantes et irrécusables. Elles sont l’annonce d’une rencontre avec un duo qui pourra sans doute étonner.