Fille rockeuse rebelle et rousse de Pasteur méthodiste, chanteuse pianiste virtuose à tripes ouvertes à l’époque du grunge et de la dance music, Tori Amos ne fait rien comme tout le monde. Alors qu’elle nous avait déjà fait le coup de la compilation en 2003, par obligation contractuelle envers son ancienne maison de disques, avec la biographie sonore Tales of the Librarian (aux chapitres parfois prêtant à débats…), elle réitère moins de dix ans après, avec Deutsche Grammophon, en compagnie de ses nouveaux compagnons de route du Metropole Orchestra. Mais attention, il ne s’agit pas d’une liste des plus grands succès de sa carrière, ni un récapitulatif de sa carrière façon best-of, mais d’un album à part entière d’auto-reprises transposées dans un univers aux allures classiques, acoustiques, voire symphoniques.
Le choix des morceaux réinterprétés ici semble avoir été arrêté de la même façon qu’une setlist de concert, mêlant chansons phares, faces B plus obscures, et morceaux mineurs glanés ça et là. Toute la carrière de Tori Amos n’est pas couverte, plusieurs albums sont snobés (dont l’expérimental et très réussi To Venus and Back de 1999 ou le précédent opus symphonique Night of Hunters de 2011) tandis que la parenthèse de l’album de Noël (!) Midwinter Graces (2009) est en bonne place. Du coup, il y a dès le départ une certaine perplexité face à ce déséquilibre, comme si cet album avait une stratégie directrice et avait été fait plus pour les fans que pour un public de découverte.
Mais surtout, ce qui laisse un sentiment d’amertume prononcée, c’est cette sensation plutôt dérangeante que Tori Amos se bat contre elle-même en en faisant des tonnes, en appuyant le trait, elle qui nous avait habitué à une palette de nuances considérable. Abus manifestes des contre-voix, deuxièmes voix et surtout des superpositions de voix, arrangements des cordes souvent trop massifs pour être complètement honnêtes, déluges d’instruments qui vont parfois, sacrilège suprême, jusqu’à couvrir le piano, l’épine dorsale d’absolument toutes les compositions. À l’image de ses transformations physiques disons… controversées et certes en sombrant dans une psychologisation un peu hâtive, on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression qu’au-delà des paroles, de leur histoire et de leur évolution au fil des ans, c’est de son histoire à elle qu’il est question, et qu’elle se débat à vouloir nous affirmer que le temps n’a pas de prise sur elle ni sur son talent, qu’elle est toujours jeune, belle et extrêmement douée.
S’il manque des incontournables sur ce Gold Dust, ce n’est pas toujours à regret. En effet, des ratages notables sont à déplorer. »Yes, Anastasia », morceau emblématique de Under the Pink (1994) se retrouve ici amputé de toute sa première moitié (mais pourquoi ?!) et affublé en son milieu d’un raccord foiré surprenant au pays de Tori Amos la productrice raffinée et exigeante. De même, le cultissime »Precious Things », présent originellement sur le premier album Little Earthquakes (1992) et présent à chaque tournée, maintes et maintes fois revu et corrigé, compagnon fidèle de toute une longue et belle carrière, est ici littéralement massacré, sans goût ni grâce. Cela dit, il y a tout de même deux perles très agréables : »Flying Dutchman », face B des tous débuts qui se prêtait à des déluges de violons s’envole dans une belle légèreté. Quant à »Snow Cherries from France », inédit terne et pataud présent sur la précédente compilation Tales of the Librarian (2003), il est enfin allégé et embelli, soulevé par des fines volutes de harpe.
En conclusion, si le résultat offert par Gold Dust n’est qu’en demi-teinte, à l’image du livret photo un peu ridicule composé de captures du clip relativement insignifiant du single »Flavor » et de mauvais cadrages hésitants et saturés de plafonds et de rails, la déception n’est toujours que plus vive lorsque l’on a aimé passionnément. On ne peut que souhaiter que le chemin plus créatif et risqué des tripes au vent et du saut dans le vide reviennent habiter les prochaines notes de prochaines nouvelles chansons.
- Flavor
- Yes, Anastasia
- Jackie’s Strength
- Cloud on My Tongue
- Precious Things
- Gold Dust
- Star of Wonder
- Winter
- Flying Dutchman
- Programmable Soda
- Snow Cherries from France
- Marianne
- Silent All These Years
- Girl Disappearing
- Maybe California (bonus téléchargeable sur iTunes)
- Snow Angel (bonus téléchargeable sur Amazon.com)
- Site officiel (en anglais) : http://www.toriamos.com/
- Site de référence (en anglais) : http://undented.com/
- Tori Amos sur Facebook : https://www.facebook.com/toriamos
- … et sur MySpace : http://www.myspace.com/toriamos
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?