Dans les effondrements programmés par Chris Hooson pour son dernier album, la musique semble parfois un projectile sans provenance ni destination et proche du silence. L’artiste a enregistré plusieurs versions des titres de An Almost Silent Life pour n’en retenir que les plus proches de l’épure. Fan de Brian Eno et de Four Tet, il refuse toutefois les arrangements électroniques pour ses propres œuvres. Il a laissé néanmoins le soin à David Burton qui a mixé l’album d’intégrer certains sons organiques qui rapprochent cet album des recherches d’un Mark Hollis (ex Talk Talk).
La musique devient contemplative par la destruction de tous effets superfétatoires afin de laisser surgir la sensation d’une solitude irrévocable. Dans chaque titre, la structure des phrases se défait, les harmonies semblent proches de se dissoudre dans le silence. Il semble attaquer de partout et de nulle part comme le suggère la conception même de l’album : il fut enregistré à Leeds, Paris, Southwell, Nashville, Osaka et Stockholm.
L’enchaînement des titres suggère l’idée que chercher une progression dans la vie serait arbitraire. Hooson veut juste donner un sens aux émulsions vocales et instrumentales là où tout se dissipe tant le contenu est proche d’un innommable. Seule la voix demeure, tel un filet tendu sur le néant. Quant à l’album il propose une circulation en cercle, manière de boucler la boucle et de faire se rejoindre la fin et le début : An Almost Silent Life devient donc la coda « parfaite » de la trilogie The End of Trying, The North Green Down et The Side of Her Inexhaustible Heart qui telle un anneau de Moebius suggérait une manière de tourner à vide au cœur de l’isolement.
Pour autant cet album n’est pas simplement intimiste. Dans la création de l’artiste, dans son atelier de l’écoulement des sensations délétères l’auteur devient comme un médecin particulier de la pensée qui se prétend saine et à laquelle il inocule des doses répétées de logique négative pour la rendre consciente de ses maux. C’est dans cette ‘logique négative’ émergée de l’ombre qu’il faut comprendre une œuvre capable de distiller des anti-virus en son aube crépusculaire, au moment même semble s’étouffer les souffles de la vie et où – paradoxalement – la musique réserve un plaisir rare à ceux qui ne sont pas effrayés par une forme de silence et un exercice de la lenteur.
Quel silence. Pourquoi ne pas prendre la parole?