La Pologne Alternative: NeLL
Cette fois-ci a l’occasion de la sortie du second album de NeLL intitulé Dogs And Horses, le chanteur de NeLL nous parle de sa fascination pour les Etats-Unis, du “milieu varsovien” et tout simplement de la musique de NeLL qui accélère le battement des coeurs.
Nous avons parlé il y a deux ans à l’occasion de la sortie de votre premier album. Avez-vous rencontré des problèmes liés à l’enregistrement et à la promotion de White Noise Zone que vous avez réussi à éviter lors de la promotion de votre album Dogs And Horses qui vient de sortir?
Bartek Księżyk: L’enregistrement d’un album est toujours un grand plaisir pour moi et c’était le cas pour nos deux albums. En ce qui concerne la promotion, on peut toujours avoir des objections envers un label de musique. La Radio Polonaise avec qui nous avions collaboré lors de la sortie de notre premier album nous a beaucoup aidé mais n’était pas très efficace. Maintenant, nous collaborons avec le portail internet megatotal.pl et nous espérons qu’il sera plus efficace. Je voudrais souligner que, maintenant, nous nous occupons de presque tout et nous savons que tout dépend de nous. Le plus important est de ne pas se regarder dans le miroir dans quelques temps et de dire “Putain, c’est dommage qu’on n’ait pas fait ci ou ça et il fallait…”
J’ai entendu parler que votre album sera vendu aux Etats-Unis. Est-ce vrai?
B.K. Bientôt, nous enverrons nos disques à notre promoteur aux Etats-Unis. Bien sûr, ce ne sera pas une distribution type, mais plutôt une diffusion sur les radios universitaires, pour au moins commencer à exister en Amérique du Nord. Evidemment nous nous rendons compte que les Etats-Unis ne nous ouvriront pas facilement les bras. Le processus sera long et pénible mais si nous n’essayons pas nous n’aurons rien.
Généralement après la sortie d’un album il y a beaucoup de concerts et vous ne jouez presque pas. Pourquoi?
B.K Nous venons de rompre avec notre manager et c’est nous qui organisons les concerts. Il y en aura mais pour l’instant je ne veux pas dire où exactement.
Vous habitez en Silésie et vous êtes tres attachés à cette région de la Pologne. La position géographique de la Silésie c’est à dire loin de la capitale provoque-t-elle une mise à l’écart sur la scène nationale?
B.K Nous avons souvent imaginé ce qui se passerait si nous habitions à Varsovie et nous avons constaté qu’évidemment nous aurions plus des relations dans le milieu musical. Mais d’un autre côté c’est très facile de se perdre dans ce milieu, “sucer les bites mutuellement” comme disait Tarantino…. Et dans le futur nous aurions sûrement “le syndrome varsovien” c’est a dire nous formerions un projet (parce que maintenant il n’y a pas de groupes mais des projets), nous n’aurions rien enregistré mais nous aurions cinq cent profils sur facebook et deux cent profils sur myspace et nous nous considérerions comme super cools. Et, plus sérieusement, la liaison entre la Silésie et Varsovie est si mauvaise que nous avons pas envie d’y aller.
Parle un peu de votre nouvel album “Dogs And Horses”. Il est très différent du dernier. D’où vient ce changement de style?
B.K En grande partie je suis l’auteur de cet album. J’ai écouté beaucoup de musique américaine, j’ai regardé des westerns en ayant la gueule de bois, j’ai cherché aussi la cadillac de Brougham De’Ville mais finalement je n’ai pas trouvé la couleur qui m’aurait plu. Ensuite j’ai commencé à enregistrer les versions démos des chansons, puis nous avons ajouté les parties instrumentales et parmi quatorze ou quinze chansons nous avons choisi neuf qui étaient assez cohérentes. Nous sommes allés chez nos amis Maciej Staniecki et Krzysztof Tonn qui ont un studio d’enregistrement. Cet album est plus mature. Quand je l’ai écouté, après un certain temps, j’étais très positivement étonné du résultat et moi je ne me vante presque jamais de mes succès donc je pense que nous avons fait un morceau d’une bonne musique.
Et maintenant, si tu pouvais changer quelque chose… Tout est toujours idéal?
B.K Je ne répondrai pas à cette question.
Pourquoi? Ce n’est pas difficile. Chacun voit les imperfections dans son travail. Toi, tu les vois mais pour les autres tout est parfait .
B.K L’album est déjà sorti. Cela n’a pas de sens de réfléchir maintenant sur ce que nous aurions pu faire mais sur ce que nous pourrons encore faire.
En écoutant NeLL j’ai toujours l’impression que tout ce que vous faites a un sens caché. La pochette d’album et aussi son titre Dogs And Horses doit signifier quelque chose. Sur l’album il n’y a pas de chanson portant le même titre mais on peut quand même trouver un lien dans la chanson “Dead Horse My Friend”.
B.K Quand j’ai écrit les paroles, j’ai observé que j’étais dans un moment de ma vie où les amitiés ont une importance, soit les amitiés finies, soit renouvelées et celles qui finiront bientôt. J’ai constaté que les chiens et les chevaux sont deux animaux qui aiment inconditionnellement. Sur notre pochette, il y a un chien et un cheval qui se trouvent face-à-face en tenant des armes, cela signifie qu’il y a un conflit entre eux. Chacun peut interpréter cela individuellement, d’après ses propres expériences. En ce qui concerne la chanson “Dead Horse My Friend” il y avait une autre qui était le prolongement de cette chanson mais finalement elle ne s’est pas retrouvée sur l’album. En revanche, elle sera présente sur mon album solo.
Ton album solo sera t-il différent de ce que tu fais avec NeLL? Je soupçonne qu’il est encore en phase de préparation.
B.K Non, mon album est déjà prêt. Bientôt il y aura des informations sur Internet. C’est complètement différent de ce que je fais avec NeLL. C’est plutôt calme, avec des ballades. Le meilleur compliment que j’ai entendu: “C’est comme Nick Cave à la discothèque ”.
D’où vient ton inspiration par Jerzy Kosinski. Je suis sûr que dans ta tête de parolier il y a beaucoup de personnages qui auraient pu être les sujets de tes chansons comme Mr. Wright sur votre dernier album. Pourquoi donc as-tu consacré entièrement la chanson “Frisco Lights” à Jerzy Kosiński?
B.K Quand j’ai écrit des paroles j’étais en train de lire Good Night Dżerzi et ensuite j’ai lu un interview avec J.Głowacki. Il parlait de San Francisco et du Golden Gate, d’où sautent les suicidés. C’est étrange mais ils sautent toujours du côté où on voit la lumière de la ville et pas du côté ou il y a la noirceur de l’océan. Grâce à cela j’ai écrit des paroles sur le drapeau en papier c’est-à-dire sur l’écriture qui est indispensable pour ne pas devenir fou. J’ai relié les points et hop! J’ai créé “Frisco Lights”.
Il faut donc que tu vives aux Etats-Unis …
B.K Peut-être. Ce sont les fascinations qui passent après un certain temps. C’est bien d’observer les choses d’une perspective, comme chantait Trent Reznor “Things are less pretty on the inside”.
Qu’est ce que signifie une baignoire – cercueil dans votre clip pour “Frisco Lights”?
B.K Tout est lié à Jerzy Kosiński. Il est mort dans sa baignoire.
Sur votre dernier album il y avait quelques chansons en polonais. Sur cet album tout est en anglais. Je comprends que l’album est influencé par les Etats-Unis donc la langue polonaise dans ce cas ne convient pas mais est-ce cela veut dire que votre prochain album sera entièrement en anglais?
B.K C’était prévu que l’album soit vendu à l’étranger donc c’est à cause de cela qu’il est entièrement en anglais. Le prochain, franchement, je ne sais pas.
Tu créé la musique pour toi-même, la traitant comme ta vie parallèle sans laquelle tu ne pourrais pas vivre ou tu la crées pour ceux qui t’écoutent?
B.K Pour moi-même, parce que j’ai besoin de la musique comme l’air pour respirer, mais j’écris des chansons pour des personnes concrètes et j’imagine ce qu’ils diront quand il les entendront, ensuite j’imagine qu’ils me complimenteront et je serai content donc c’est du début à la fin une vision hédoniste.
Tu t’imagines comment le futur de la musique? Tout change rapidement. Il y a dix ans il n’y avait ni myspace ni last.fm. Les cassettes étaient encore présentes. Penses-tu que l’influence d’Internet est-elle bienfaitrice? Est-il possible que bientôt vous jouerez sans être payés?
B.K J’espère que non. Piotr Najsztub vient de dire une chose importante, que le monde change du monde des relations au monde des transactions. J’arrête lentement d’être un musicien-artiste qui créé pour consoler les âmes des gens, je deviens un “vendeur de services musicaux” et cela n’a rien en commun avec l’art et la musique. Mais l’attente pour l’album d’un groupe préféré est toujours liée à des émotions fortes. J’espère que les gens ne renonceront pas à cela.