Livre : Patti Smith – Just Kids (2010/Denoël)
Il existe dans Just Kids une surface particulière de l’écriture. Elle suscite le sentiment d’une texture dans l’expérience de vie racontée. Le texte garde mémoire de tous les accidents, les traces d’éraflure ou de blessure jusqu’à sembler une peau scarifiée. S’y éprouve la sensation de contact directe, presque physique avec de la vie. Sous diverses tonalités d’une même couleur noire s’inscrit l’empreinte du temps. Il nous permet de pénétrer plus loin dans l’œuvre de Patti Smith et de Mapplethorpe comme si une mémoire pouvait reprendre. L’écriture est imprégnée de vie par la mémoire des êtres et celle du temps évoquées. De la ville aussi. New York où pour Smith tout commence vraiment. De Brooklyn à Coney Island, de la 42ème rue au Max’s Kansas City repère de la cour des miracles warholiens. Big Apple contraint le regard par la matérialité de ses buildings et la sédimentation des signes. Remodelés dans le texte ils livrent l’épaisseur de la “ chair ” qui surgit soudain.
Chaque page du livre induit un véritable dévoilement. Patti Smith possède le pouvoir de réduire ou de condenser l’univers en des figures simples mais qui demeurent énigmatiques. Comme celle d’Andy Wharol par exemple. Il existe de plus chez l’artiste une certaine “ mystique” dans la mesure où à travers son livre elle cherche la valeur de la présence, une présence magique en une sorte d’incarnation en écho au chant d’Hypérion : “Tout advient par désir et s’achève dans la paix”. Les dissonances du monde qui surgissent dans ce beau livre sont telles les querelles des deux amants Patti et Robert. Leur réconciliation fait que ce qui a été séparé se rassemble à nouveau. Ainsi, par delà la surface des pages qui témoignent de l’écume des jours et de vie, un accord profond abrite ce qui devient un autre avatar du chant tel que Patti Smith le lança naguère dans Horses.
Traduit de l’américain par Héloïse Esquié, Denoël, 335 pages, 20€.
Superbe! Patti Smith ou Ma muse de vie…