Dälek – Gutter Tactics (2009 – Ipecac)
L’apocalypse n’est plus très loin. La fin de ce monde minable s’amène à grandes foulées, et elle porte des baskets. Et une casquette. Elle rappe, elle s’appelle Dälek. Derrière elle le néant, noir et lourd, vrombit d’un tonnerre sourd, et se gonfle des peines et douleurs des pauvres âmes égarées qu’elle fauche sur son parcours. Elle s’approche de moi. Elle avance au rythme de beats Hip-Hop qui battent aussi faiblement que mon cœur bat à tout rompre. Le néant est devenu un ouragan de guitares noisy, nourri de hurlements. Les cris de ses victimes ? Le souffle de sa tempête ? Nul ne sait, et le bourdonnement ne cesse pas. Il me donne froid et résonne dans mon crâne. Mon cerveau vibre, moi, je tremble. La nuée ardente m’enveloppe, la nuit ardente m’avale. Mais l’apocalypse ne vient pas seule. Oktopus l’accompagne. Avant que tout ne sombre dans les ténèbres, je l’aperçois. Il est fait d’acier et d’électronique, a un œil rouge et un blouson de cuir. On l’appelle le Terminator. Et moi je suis Sarah Connor.
Voilà l’état d’esprit dans lequel l’auditeur se sent à l’écoute de Gutter Tactics. Dälek ne fait pas du Hip-Hop old school, pas plus qu’il ne fait du Rap US ou même de rapcore. Pour autant qu’il soit possible de définir leur style, celui-ci s’approcherait du Doom Rap. Lascif, bruyant, et extrêmement sombre et désespéré. L’idée se traduit dans les actes par l’utilisation d’une instrumentation noisy, se résumant malheureusement trop souvent à un buzz en fond sonore monotone et saturé, le « drone ». Le duo du New Jersey réussit son coup en affublant son disque d’une ambiance de fin du monde lourde et solennelle ; toutefois la migraine pointe rapidement. Et c’est bien dommage car, passés les premiers titres laborieux, se révèlent quelques pépites plus audibles mais tout aussi déchirantes. Gutter Tactics est une curiosité d’un rare relief, d’une intensité palpable et à l’identité marquée. Mais comme dans toute bataille contre la fin du monde, seuls les plus forts s’en sortent. Et en fait, je n’ai rien de la force de Sarah Connor : Dälek m’a retrouvée et m’a tuée d’une bombe dans les oreilles.
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