Yoshio Machida – Hypernatural#3 (2008 – Believe/Baskaru)
ON NE BADINE PAS AVEC LE VIDE
Avec Hypernatural #3, Yoshio Machida termine sa trilogie commencée il y a dix ans. Ce dernier volet reste dans le registre électroacoustique d’une ambient très expérimentale aux accents aériens voire délétères (un peu trop fortement marqués) signe d’une électronica épurée à l’extrême en dépit de différents mixages complexes. Très influencée par la musique bruitiste (Pierre Schaeffer hier, Lionel Marchetti aujourd’hui) la musique de l’artiste japonais prend des couleurs plus éthérées et spiritualisantes que chez ses maîtres. Par exemple il n’hésite pas à faire intervenir des chœurs de sœurs bouddhistes sur un de ses morceaux.
Revisitant par l’électronique des sons tirés d’instruments acoustiques et par l’utilisation du field recordings, dans le dernier pan de son triptyque, l’élément de base est donné par le steel pan. Il s’agit d’une percussion caraïbe à la tonalité claire et métallique mais dont l’origine se perd par le traitement que Yoshio Machida lui fait subir. Certes on perçoit encore la sonorité claquante mais l’artiste la métamorphose afin de créer son propre univers par coupures, saturations et réverbérations. Il nous projette bien loin du triangle des Bermudes pour investir d’autres lieux moins géographiquement connotés.
L’utilisation du field recordings dans Hypernatural #3 devient parfois lourdingue. On se passerait des longs accompagnements de piaillements d’oiseaux sur « Hypernatural » ou du bruit des vagues sur « Scene27 : Symphony ». Parfois cependant la stratégie des collages est plus subtile. En particulier lorsque Yoshio Machida fait appel à des chants d’enfants sur fond de machines ou de tracteurs (dans « Scene05 : Bubbles ») et surtout lorsque l’artiste propose tout un montage en césures de bruits métalliques avec la participation de Aki Onda. Soudain la douceur n’a rien de mièvre et de contemplatif même s’il s’agit là de la tonalité d’ensemble de la trilogie.
Mais à caresser le presque rien, le japonais bascule parfois dedans et nous plonge dans une certaine lassitude qui fait de ce troisième opus une répétition des deux premiers : la force de l’habitude semble avoir gagné sur une véritable inspiration. L’artiste se contente de décliner des gammes qui font de la suggestion une forme d’effets ou de truquages. Le monde de l’indicible en ses sources sonores les plus infimes ne possède plus la force de radiations. Il se répand lentement à l’état de simples échos de ce que d’autres ont déjà exploré et de manière plus forte : on pense en particulier au travail autrement plus probant de Eric La Casa en France.
Trop fragile et indolent, Hypernatural #3, même s’il se veut engagé dans la lutte pour l’environnement déréalise trop son propos. On reste de fait dans un univers de no man’s land. Privé de corps cet ensemble est aussi privé d’âme. L’artiste a beau préciser : « la chose importante n’est pas simplement d’écouter les sons, mais aussi de sentir les choses qui s’y cachent derrière », son électroacoustique nous laisse pour le moins dubitatifs…
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