Pentil et Pilooski (Benjamin Morando et Cedric Marszewski), bref le duo de Discodeine donne ce qu’il y a de mieux dans la musique electronique IDM (Intelligent Dance Music). Jarvis Coocker (de Pulp), le producteur arrangeur Matias Aguayo et Dexter Dury (fils de Ian) viennent prêter main forte côté chant au couple. Ce dernier produit la house la plus esthétisante et la plus séduisante qui soit.

Sans doute le C.D. est moins destiné au dancefloor qu’à l’écoute plus concentrée. Mais c’est déjà un signe de qualité. On pardonne ou oublie sous le feu des spotlights ce qui reste improbable lors d’une écoute attentive. Elle reste ici un régal en matière de langage sonore. Compétence, connaissance et sensibilité sont au rendez-vous. Complément du réel voire sa dilatation par surcharge onirique et plaisir aussi.

Le mouvement perpétuel cher à l’électro peut devenir flâneur et sortir des claps. Les cordes (sur “Antiphonie) distribuent des ajouts en rien superfétatoires. Ils modifient subtilement des coups de griffe et des phases sans cela trop mécaniques. Ils les atténuent de vagues en feutrine. Un ange passe : on est presque dans l’élégie mais pour autant des titres comme “Synchronize” ou “Singular” échappent à la désespérance.

A l’inverse, parfois, ça déménage sans ambiguïté. On ne traîne plus son âme comme un âne mort. Une mouche  pique et fait sauter sur des ponts de notes pour au besoin se jeter par-dessus les parapets. Bref, on peut se sentir léger comme la tête d’un éléphant à la sortie d’un magasin de porcelaine.

Pocharde d’obsidienne, la musique de Discodéine ouvre donc à la béance et traque nos virus d’ennui. C’est un petit bijou au milieu de la merde caillée que proposent trop de produits décavés. Ils n’offrent que des naufrages aux curieux qui s’en lassent. Ou pas. Et c’est bien là le problème. Ici à l’inverse la musique dépose ses ombres imprécises mais imparables sur un élan vital. Elle le secoue plutôt que de le diluer.