Livre : David Foenkinos – Lennon (Plon)
Signe de la piètre idée que la littérature se fait de la culture rock : les livres à son sujet fleurissent pour Noël au même titre que les livres de cuisine. Ces derniers pour maman ou grand-maman. Les premiers pour papa ou grand-papa. Car, c’est bien connu, le rock est affaire d’hommes. Pour preuve : les textes écrits dans ce domaine par la – statistiquement parlant – plus grande moitié des humains sont pratiquement inexistants. Il est donc logique qu’un auteur ayant écrit Le potentiel érotique de ma femme soit légitimé pour présenter à son tour « sa » version de Lennon.
Fallait-il en ajouter un nouveau ? On sait en effet que les livres sur les Fab Four sont pléthore. Plus particulièrement bien sûr Lennon retient l’attention. Quoi de mieux que de mourir jeune afin d’entretenir le mythe ? Et quand on a la « chance » (sic) de ne pas mourir dans son lit ou pas loin – comme l’ont piètrement consenti, il est vrai plus de force que de gré, Presley ou Michael Jackson – mais sous les balles d’un tueur la messe funéraire n’en est que plus belle. Et une fois dite, les livres de neuvaines ou de vulgate se succèdent à vitesse V.
Chacun y va de son laïus, de son interprétation, de ses scoops. Mais c’est là que le livre de Foekinos devient intéressant. L’écrivain ne prétend à aucune révélation. Si ce n’est celle de son écriture. A l’inverse de tant d’écrivaillons qui s’aplatissent dans un travail de vermine à cadavres, l’auteur prend son envol. Le corps et le corpus de Lennon se réduisent à un prétexte. Un beau prétexte. Comme l’avait fait dans son temps Eugene Savitskaya avec Un jeune homme trop gros (Editions de Minuit) à propos d’Elvis, l’écrivain y va de son délire plus efficient que les monographies d’usage.
Certes Foenkinos ne possède pas la grâce de Savitskaya. Pour autant son Lennon n’est pas négligeable. L’auteur s’amuse avec le corps du défunt comme une gamine avec sa poupée Barbie. Toutefois l’auteur a l’intelligence de ne pas dégommer le mythe. D’autant que le duo qu’il constitua avec McCartney reste capital dans l’histoire de la culture pop. Mais le « usual » héros de la Working-class devient plus suspect et plus humain, (presque) trop humain qu’on le raconte dans les hagiographies. Et l’on s’en félicite.
Lennon redevient comme ses semblables, ses frères. Parfois truqueur, parfois affabulateur. Sans doute blessé dans son enfance. Parfois amoureux d’une étoile : la mal aimée par les adorateurs de l’idole : Yoko Ono. Elle ne put (souvent) que constater la banalité de ses prouesses sexuelles mais sut créer avec lui un couple artistique de premier ordre de la culture new-yorkaise.
Le « roman » de Foenkinos est d’autant plus probant qu’il donne la parole à Lennon lui-même. D’où le côté agréablement iconoclaste de celui qui ose parler dans la bouche du « prophète ». C’est pourquoi à tous ceux qui veulent en savoir un peu plus sur Lennon il vaut mieux le « mentir vrai » du romancier que les élucubrations pseudo réalistes de milliers de biographes venus raboter quelques euros ou dollars sur la dépouille du mi-Christ mi-Charlot (cette dernière dénomination n’étant en rien une critique, au contraire) des temps modernes.