The Head Shakers – The Head Shakers EP (2010/Jazzistik)
Le premier E.P. du combo lillois riche de 8 membres sort enfin. Il est sonorisé par Andy Robbins qui a déjà sonorisé et/ou enregistré James Brown, Charlie Haden, Art Zoyd entre autres. Constitué de poids lourds de la musique jazz et rock The Head Shakers renoue avec deux genres voisins et qu’on croyait disparus : le jazz-rock et le rock-progressif. Mais ces appellations ne doivent pas effrayer.
Il est vrai qu’elles ont souvent donné le pire tant il y a a priori une fracture entre la culture jazz et la culture rock. Mais sans rechercher de vieilles formules et sous la direction de Pierre-Yves Langlois le groupe crée un univers peu fréquent mais tout à fait fréquentable. Il doit autant – et afin de créer la fusion entre ces deux cultures – à la musique noire américaine qu’à Zappa voire qu’à John Wayne (dixit la présentation officielle) lui-même.
Mais le groupe fait surtout bouger les lignes et ne reste jamais bloqué sur une formule. Surgit de ce EP un groove puissant et une énergie particulière. Tout est à la fois sophistiqué et intelligemment construit. Cela n’empêche pas – au contraire – une force particulière. L’extravagance est là (par le jeu de guitare d’Alexis Therain ou la basse de Guillaume Dumont) mais elle est disciplinée grâce aux autres membres afin de lui donner une perfection. Les cuivres et les claviers (de Greg Varlet) créent des lignes sinueuses. Elles attestent d’une affinité avec le groove de la Motown.
On avait déjà remarqué chez les Immortels le projet de quartet de Pi4 développé par P-Y Langlois. Avec cette formation plus large le créateur ouvre sur un projet différent et encore plus ambitieux que Pi4. La musique a prise sur le corps par les ruptures que créent The Head Shakers. Ils métamorphosent le jazz-rock progressif en une trilogie de discontinuité.
Il y a là à la fois un fil mais des ruptures volontaires. Elles proposent un univers étonnant et différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre. Entre le champ jazz et celui du rock, le groupe propose donc une expérience particulière. Elle entraîne vers un champ nouveau. Elle crée un rapport original sur lequel l’architecture de la musique se reformule. On le doit à la qualité instrumentale de musiciens. Le plaisir qu’ils font éprouver se fonde sur cette base incontournable. Il n’est pas négligeable de le souligner car sans elle la musique n’est rien.