Black Mountain – Wilderness Heart (2010/Jagjaguwar, Differ-ant)
Inégal et sans doute trop confus le troisième album des canadiens de Black Mountain mérite pourtant qu’on s’y arrête. Produit par Randall Dunn (Sunn O)))) et Dave Sardy (Oasis, The Black Angels) Wilderness Heart est un mélange d’influences. Il tente de faire le joint entre le rock, la folk, le punk et un psychédélisme parfois symphonique. Le tout par touches qui se succèdent. C’est donc un melting-pot. Il ne peut cependant faire oublier le précédent opus du groupe In The Future même si on trouve dans celui-là d’excellents morceaux aussi différents d’inspiration que « The Hair Song » à « Let Spirits Ride » par exemple.
Le rock se veut progressif. Il concentre aussi tout ce qui s’est fait avant lui. Ecouter cet album revient à revisiter l’histoire de la pop entre compositions planantes, ambiances folk hippy et rock musclé. Mais tandis que le précédent album lorgnait résolument sur l’avenir celui-ci tombe dans le déjà entendu. Il reste intéressant mais rien à son écoute n’emporte vraiment. L’auditeur demeure sur sa faim sans pouvoir pour autant parler de déception. Bref l’écoute laisse mi-figue mi-raisin, car Wilderness Heart navigue entre mi-folie et mi-raison. Par trop hybride il manque de logique interne. La fin de chaque morceau marque une coupure. Chacune rend l’écoute chaotique comme si l’ensemble provenait de diverses époques de l’évolution du groupe. Il semble offrir ici son « best of ».
Indéniablement pourtant le quintette fait preuve de talents. Le groupe se différencie du tout venant par ses riffs et ses nappes de synthé. On peut toutefois regretter que le leader et chanteur ne laisse que trop peu de place à la voix féminine du groupe : Amber Chamber. Elle surclasse celle de Stephen Mac Bean mais est reléguée au statut de backing vocal. Chaque fois qu’elle passe devant ou se retrouve en duo avec le leader les morceaux fonctionnent beaucoup mieux tant la voix de Mac Bean rappelle trop de voix du passé (King Crimson par exemple). Elle souligne d’effets attendus des morceaux qui – comme « Sadie » – portent pourtant au plus profond du soir et à proximité de l’ombre. Il y a là soudain une pépite musicale soulignée par des secousses sombres.
Black Moutain prouve donc une fois de plus avec Wilderness Heart qu’il aime à manier les contraires et l’ambiguïté et sait cultiver une vision synthétique. Plusieurs titres demeurent entêtants mais à l’état de singles (« The Way To Come »). Le piège fonctionne. Mais de manière provisoire. A chaque envol succède une descente par changement trop brut de registre. L’évolution d’un morceau à l’autre reste fictive et par trop aléatoire. L’ensemble donne l’impression d’une suite de départs qui méritaient pour chacun d’eux un long développement. Trop démonstratif et exhibitionniste le groupe prouve tout ce qu’il sait (bien) faire sans le porter jusqu’au bout. Wilderness Heart demeure l’opposé parfait (si l’on peut dire) d’un album concept. Des Black Mountain on est en droit de réclamer beaucoup mieux que ces pièces rapportées. Même si l’album est loin de jouer les inutilités.
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