CNK : l’interview du fond des enfers

 CNK

C’est par une froide soirée de décembre que je pars interviewer un des grands amours musicaux de ma vie : CNK. Rendez-vous chez Valnoir, le bassiste, à 21h30, rive gauche. 21h28, j’arrive sur les lieux. Tiens, c’est drôle, la porte n’a pas de code, contrairement à ce qu’on m’avait dit. J’attends donc devant, en espérant que quelqu’un en sorte. Personne. 22h, mon téléphone sonne. “Allo, c’est Hreidmarr, on avait dit 21h30, et on voulait savoir où tu en étais.” “Je suis devant la porte, mais il n’y a pas de code” “Appuie sur le bouton et pousse la porte.” “Ah.” C’est donc honteux que j’arrive dans le très propre et spacieux appartement du sieur Artfield-Lautrec, et, une fois les verres de vins remplis, l’interview peut commencer.

Les Immortels : Commençons par faire le lien avec le passé. L’Hymne à La Joie semble plus mature que son prédécesseur [Ultraviolence Über Alles – ndlr]. Est-ce que le fait que vous ayez vieilli y soit pour quelque chose ?
Hreidmarr : Je vais répondre, puisque tu [Valnoir, arrivé en 2006] n’étais pas là.
Valnoir : Oui, bon, ça va hein !
Hreidmarr : Donc, oui, fatalement, puisque Ultraviolence est sorti en 2002, l’Hymne à La Joie en 2007, ce qui fait un laps de temps important, durant lequel Heinrich et moi avons fait autre chose. J’ai joué dans Anorexia [Nervosa], participé à pas mal de tournées, enregistré quelques albums. Heinrich et moi avons tous les deux joué dans Crack Ov Dawn, et de son côté il a aussi participé à d’autres projets, ce qui fait que musicalement, au moment où nous avons commencé à travailler sur l’Hymne à la Joie, nous n’étions plus du tout dans le même contexte qu’à l’époque d’Ultraviolence, c’est certain. Nous avons mûri, indéniablement, même si cela n’implique pas forcément que nous nous soyons assagis. Et puis, à l’époque d’Ultraviolence, la plupart des morceaux prenaient leur source dans nos vieilles démos. Même si bien sûr nous avions totalement réarrangé et repensé l’ensemble, tout venait de vieilles bases, de vieux riffs. C’est probablement de là que provient le côté aussi tordu de l’album. Je ne le regrette pas d’ailleurs, je trouve Ultraviolence très bien comme il est, simplement, pour l’Hymne à la Joie, nous sommes repartis sur des bases un peu plus saines, plus « propres ». On voulait quelque chose de plus concis, de plus «Genauso», comme on dit en boche. On savait aussi mieux comment faire sonner un morceau, disons que musicalement, nous étions raccord avec ce que nous avions en tête, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Nous tenions par contre à conserver notre dimension « entertainment », je le dis souvent, mais on n’a pas la prétention de saouler les gens avec des concepts-albums ultra complexes à la con – j’ai une sainte horreur de ce genre de merdes prétentieuses qui infestent la scène metal -, on essaie d’écrire des trucs qui ressemblent à de la musique, pas à du morse, des trucs qu’on peut chanter, malgré le côté dur, violent… Après je ne dis pas que l’album n’est pas complexe, il l’est indéniablement, nous avons passé des mois à bosser sur les harmonies, les arrangements, les lignes de chant, la prod, et tout un tas de petits détails… Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas démonstratif, à l’écoute, ça ne monopolise pas forcément l’attention, et les morceaux restent sobres, malgré tout le merdier qu’on a foutu dedans en amont. Pour moi c’est l’exercice le plus difficile, mais certainement le plus intéressant. Les benêts trouveront toujours Rammstein « trop simpliste », et préféreront sans doute une Clio tuning vert pomme à une De Tomaso ; nous, non. Alors oui, on a sans doute vieilli.
Valnoir : Certains ont pris du ventre.
Hreidmarr : D’autres pas, hein.
Valnoir (continuant) : D’autres se sont mariés, accouplés, presque reproduits…
Hreidmarr : Ah non, pas reproduits !
Valnoir : J’ai dit presque !

Les Immortels : Valnoir, il semble que le groupe ait été celui de tes débuts sur scène. D’autres projets antérieurs ?
Valnoir : Hum. J’ai déjà eu une première expérience sur scène avec un talentueux et audacieux combo rouennais nommé Bloodthirst
Hreidmarr : Putain, Bloodthirst … (rires)
Valnoir : Après un concert faramineux devant une bonne quinzaine de personnes, qui n’a pas dû durer plus de dix minutes, parce que j’ai eu un problème de basse – en fait, elle était débranchée – on a arrêté parce que, euh… c’était très très mauvais, on s’est dit qu’il valait mieux arrêter. Sinon, j’ai joué dans une tapée de projets qui ont avorté.
Hreidmarr : Tu peux citer les plus notoires, Irwin, c’était pas mal.
Valnoir : Ouais. Ou je pourrais citer l’autre, que je ne vais pas citer.
Hreidmarr : De quoi, tes trucs au synthé, tout seul ?
Valnoir : Non non.
Hreidmarr : Ah, ça, là ? (rires)
Valnoir : Mais essentiellement des projets qui ont avorté, des projets embryonnaires qui ont à peine atteint le stade de la démo. Récemment un projet de stoner, mais ça n’a pas abouti, un peu de doom, mais essentiellement du black. Ca reste ma profession de foi depuis le départ. Ah, et sinon, je ne te l’avais pas dit, Hreidmarr, je joue maintenant en temps que vidéo-jockey pour le norvégien Zweizz, qui est l’ancien claviériste de Dødheimsgard, et qui joue aussi dans Umoral, avec Hellhammer et le gratteux de Gorgoroth.
Hreidmarr : Umoral… Tu peux d’ailleurs admirer une magnifique pochette derrière toi [il pointe une pochette représentant une photo de pénétration surmontée d’une croix inversée].
Valnoir : Oui, une très très jolie pochette ! Je vais donc de temps en temps faire des allers-retours à Oslo pour participer à ce projet.

Les Immortels : L’album est très axé sur l’échec de notre civilisation moderne. Hreidmarr parlait d’aller droit dans le mur en dansant avec un verre de vin à la main…
Valnoir : Ou une paille dans le nez.

Les Immortels : Aussi… Comment voyez-vous le contexte actuel depuis la sortie de l’album ? Ca a empiré selon vous ?
Hreidmarr : Oui, évidemment.
Valnoir : Vas-y, fais ton réac !
Hreidmarr : Ah ah… Non mais, bien sûr que ça a empiré. Ca empire tous les jours. Je ne regarde pas souvent les infos, mais à chaque fois que je le fais, il y a un nouveau truc. Là c’est la Grèce. Les « chances pour la Grèce » ont brûlé la putain de bibliothèque !
Valnoir : C’est vrai ?
Hreidmarr : Mais oui, la bibliothèque et toutes les archives !
Valnoir : Oui bon, ça va, ils n’ont pas inventé les autodafés non plus !
Hreidmarr : Oui, enfin un autodafé, ça avait quand même plus de sens que dix casseurs en keffieh, qui vont braquer des smartphones et au passage, incendier ce filsdepute de Platon, en pensant niker l’Etat. On ne peut pas dire que ça empire dans le sens où ça irait crescendo, jusqu’à une sorte de climax où l’on verrait tout exploser, ce serait trop beau, et trop dangereux pour le NWO. Donc fatalement, c’est plus insidieux, plus larvé. Il y a toujours des périodes de relâche un peu euphoriques, entre chaque crise, qui confortent le peuple dans son hideux formatage nazi-bobo. Mais les bases sont désormais trop pourries pour que ça tienne. Le monde occidental est comme Venise, il sombre dans la vase. Plus ça va, plus on vénère le néant. Il y a une descente vers le RIEN, vers la négation absolue de la nature humaine, que l’on refuse d’ailleurs obstinément d’assumer, soit par conviction religieuse satanique, pour les servants de Big Brother, soit par benoiterie, pour le peuple. Le fameux « héritage des Lumières », sans doute…
Le godemiché égalitaire que l’on essaie à longueur de journée de nous fourrer dans tous les trous, c’est la médiocrité obligatoire pour tous. Tout ce qui n’est pas médiocre devient forcément louche, tendance suprémaciste. On s’autocongratule, on ostracise les méchants, on donne des leçons, on vote avec enthousiasme pour un parti unique, on ricane des cathos ringards, mais on admire la si pure ferveur de n’importe quel crachat de mollah, par snobisme ou par peur, allez savoir, peut-être un peu des deux. On s’exprime dans un dialecte composé d’à peu près 300 néologismes, ce qui ne nous empêche pas d’avoir l’impression d’exister et de tout de même posséder des « idées » qui nous sont propres, même si curieusement identiques à celles de 99% de la population. On vanne les femmes et les pédés, entre mecs, mais gentiment, parce qu’on est soi-même un peu femme, et un peu pédé, car moderne et tout. On trouve que les israéliens, c’est des vilains-vilains, que Mouloud Achour est impertinent, et que la liberté d’expression, c’est important.
Pour autant, notre discours n’est pas élitiste, nous nous appuyons sur assez de choses qui prennent leurs racines dans la culture populaire, le problème, c’est que, d’une part, aujourd’hui, il n’y a même plus de culture populaire, et d’autre part, beaucoup de gens nous prennent pour ce que nous ne sommes pas : des donneurs de leçons, des « artistes engagés ». La preuve qu’ils n’ont rien compris à ce que l’on raconte, ces cons.

Les Immortels : Vous avez récemment changé de batteur. Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir HDK ?
Valnoir : Fabrizzio Volponi, s’il te plait, c’est son petit nom. On l’a emmené à la mairie, on lui a collé un flingue sur la tempe, et on lui a demandé de changer d’identité, son ancienne ne nous plaisait pas. On préférait quelque chose de plus ensoleillé, plus méditerranéen.
Hreidmarr : En même temps il est un peu rital, hein…
Valnoir : Oui c’est vrai. Son nom se termine vraiment par un « i », ce qui nous fait tous rire. Là, il est en période de bizutage, donc on le brime moralement et physiquement. C’est normal, il le mérite, et puis c’est un passage obligé, j’y ai eu droit, moi aussi. Pourquoi l’a-t-on choisi ? Quelqu’un de proche géographiquement.
Hreidmarr : Et puis parce qu’il est beau, aussi.
Valnoir : Attends, j’y viens. Donc d’abord les paramètres géographiques, car Sylvicious habitait à Aix-en-Provence, ce qui fait loin, même s’il était relativement beau. Nous tenons à ce que tous les membres de CNK soient beaux. Fabrizzio a un très beau sourire auquel nous sommes tous très sensibles, il a également pas mal tourné dans différentes formations qui ont fait leurs preuves. Et il est beau aussi, mais je crois que je l’ai déjà dit.
Hreidmarr : Mais d’un point de vue plus pragmatique, avec Sylvicious ça se passait super bien, on n’a pas eu de clash ou quoi que ce soit, c’est juste qu’à la base, on a été un peu optimiste, d’un côté comme de l’autre, vis à vis de l’éloignement et de ses activités avec Tamtrum. On a essayé d’y croire, mais c’est devenu de plus en plus dur, pour lui comme pour nous, d’un point de vue logistique et financier. Il avait de moins en moins de temps, et nous de moins en moins le temps d’attendre, donc on a dû arriver d’un commun accord à cette conclusion, pas de gaîté de cœur, ça nous faisait tous chier, mais c’était inévitable. Le remplacement s’est fait assez vite, c’est MkM qui nous a présenté Fabrizzio (il avait joué sur la dernière tournée d’Antaeus), et du coup on a bien accroché. Musicalement, ça correspondait à ce qu’il voulait faire, et il s’est vraiment investi. De notre côté, on s’est senti en confiance tout de suite. Et puis (et ça c’est l’alcool), on s’est rendu compte qu’on se connaissait déjà, lui et moi, on s’était rencontré dix ans auparavant, en province, lors de quelques concerts, quand il jouait dans Horrid Flesh, certainement. C’est un excellent batteur, et un mec bien. Ce sera différent de Sylvicious. Il est plus metal.
Valnoir : Enfin ça, ce n’est pas un critère prédominant, hein. Que quelqu’un vienne d’une scène différente peut toujours amener des éléments intéressants, ce qu’a fait Sylvicious d’une certaine manière.
Hreidmarr : Par « plus metal », j’entendais dans son jeu. Fabrizzio est plus branché electro-dark que metal, d’ailleurs.
Valnoir : Oui, c’est vrai. Enfin tout ça pour dire que l’on travaille avec lui, et que si le départ de Sylvicious nous a certainement fait prendre du retard dans nos projets, cela recommence à très sérieusement prendre forme.

Les Immortels : Pensez-vous qu’il puisse apporter une touche personnelle à l’album ?
Valnoir : Déjà, il est beau, et c’est une sacré touche personnelle.
Hreidmarr : Oui, évidemment. On lui a laissé une liberté totale. Bien sûr, il s’est servi des parties de Sylvicious comme base sur les anciens morceaux, mais il se les est appropriées très vite, donc je lui fais totalement confiance pour le futur album.
Valnoir : Et puis la batterie, c’est un peu son boulot, pas le nôtre.
Hreidmarr : Oui. Et je pense qu’il peut apporter quelque chose de différent de ce que Sylvicious pouvait faire, notamment en live, quelque chose qui sonne tout aussi bien, sans vouloir dénigrer le travail de Sylvicious, une autre approche, plus radicale et rentre-dedans. Il a vraiment un truc. Tiens, d’ailleurs, il y avait eu des interrogations là-dessus sur le forum… Il joue debout, assis, dans des positions intermédiaires, enfin il bouge tout le temps, on sait pas trop ce qu’il fout, des fois il a les pieds sur le siège, c’est assez visuel et efficace comme jeu. Là, on part sur une base de batterie électronique mélangée à des éléments de batterie acoustique. On est en train de tester différentes choses un peu tordues, avec des infrabasses, des trucs comme ça. On essaie de penser les percussions différemment. Jusque là nous sommes plus que contents du résultat.

Les Immortels : Vous avez récemment une reprise d’”Everybody Knows”, de Leonard Cohen. Quelles sont les raisons qui vous ont poussés à choisir ce morceau ? Est-ce un écho à la reprise des Tzars par Anorexia Nervosa (dans lequel chantait Hreidmarr) ?
Hreidmarr : Pas vraiment un écho à Anorexia non, c’est juste que j’ai toujours bien aimé faire des reprises, Heinrich aussi, c’est un exercice qui nous plaît…
Valnoir : En fait, on aime bien réécrire l’histoire…
Hreidmarr : Le truc, c’est que j’ai toujours trouvé intéressant de faire des reprises. Ce que je dis va paraître un peu bateau, mais ne pas se contenter de faire un copier-coller de l’original, se rapproprier le morceau, beaucoup de groupes le disent, mais peu le font, et c’est ce qu’on a essayé de faire. Après, ça faisait des lustres que je voulais reprendre ce morceau, déjà parce que je vénère Leonard Cohen, mais aussi parce que les paroles cadraient particulièrement bien avec CNK, et avec le contexte actuel. Je pense qu’à la période où il l’a écrite, vers la fin des années 1970, les textes semblaient probablement moins évidents que maintenant, très certainement l’œuvre d’un de ces « pessimistes cyniques »… C’est drôle de voir ces paroles évoluer au fil du temps, à la fois intemporelles, universelles, et de plus en plus proches de notre sordide réalité. Niveau reprises, est-ce que tu crois que je peux balancer un scoop ?
Valnoir : Est-ce que tu crois qu’il est temps de balancer un scoop ?
Hreidmarr : Ouais, allez, je pense. Comme je te disais, les reprises, ça nous branche vraiment, et actuellement, on est en train de bosser sur un nouvel album, mais parallèlement, et c’est une idée qui nous trotte dans la tête depuis longtemps avec Heinrich – depuis avant Ultraviolence en fait – on a envie de faire un album de reprises. Et on va le faire. Par contre, je ne vais pas te dire tout ce qu’il y aura dessus, mais en tout cas, pas mal de trucs différents et assez improbables. Donc on travaille sur les deux en parallèle, le nouvel album, et l’album de reprises. On essaie de bosser sur un nouveau morceau, puis on enchaîne sur une reprise, pour se détendre. Non que bosser sur nos morceaux nous emmerde, mais bosser sur une reprise, c’est un peu comme fumer du crack sous le préau, c’est une récréation. Après, on verra comment on va procéder. Il est possible que l’on enregistre les deux à la suite, je ne sais pas encore, ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sortiront pas en même temps, notre priorité va naturellement au nouvel album. De toute façon, nous n’en sommes pas là, je n’ai aucune date, rien du tout.
Valnoir : C’est un projet à long terme, en fait.
Hreidmarr : Voilà, un projet à long terme, le plus sûr étant que le prochain album sortira en premier. La reprise de Léonard Cohen figurera certainement sur un de ces deux albums, je ne sais pas encore lequel. Et ce ne sera pas la démo qui figure sur notre myspace, bien entendu, ce sera une nouvelle version, avec une vraie prod. On compte jouer ce morceau sur scène, pas forcément lors des prochains shows, mais à moyen terme, c’est la raison pour laquelle on l’a mis en ligne, pour le faire tourner un peu au préalable, histoire que les gens le connaissent.
Pour l’album de reprises, le but est de trouver des morceaux qui collent à ce que l’on a à dire, des morceaux qui ont un sens, pas juste des trucs qui nous plaisent… On pourrait reprendre du Slayer, par exemple, parce qu’on trouve ça fun, mais… Quoique, il y aura peut-être du Slayer, mais il faut que ça cadre avec notre vision, autant la musique que les textes. Et, chose dont je suis particulièrement fier, il y aura très certainement Snowy Shaw (Notre Dame, King Diamond, Dream Evil, Therion, etc.) qui participera à la totalité de l’album en tant qu’un peu plus que guest.

Les Immortels : Passons à la partie pour Valnoir ! L’iconographie est quelque chose de très important pour CNK, peut-on parler d’une extension de votre musique ?
Valnoir : En fait, j’ai toujours en tête l’œuvre d’art intégrale, ce qu’on appelle en allemand « Gesamkunstwerk » : ne pas se limiter à un seul aspect des choses, à un seul support, mais, si on a une idée ou un concept, le décliner sur tous les supports possibles et imaginables, et le visuel, particulièrement dans la musique s’y prête bien. Comme tu peux le voir, je travaille en ce moment sur un vaste projet de toiles autour de l’univers de CNK, qui sera appelé à être exposé dans différentes galeries parisiennes. Je travaille dessus à 85%, et Heinrich m’épaule en tant qu’exécutant, pour lui donner plus d’ampleur, et un aspect collectiviste. Dans CNK, ce n’est pas l’individu qui parle, mais l’organisation, pour paraphraser nos amis slovènes [de Laibach – ndlr].

Les Immortels : L’artwork du prochain album sera-t-il dans la continuité de l’Hymne, ou totalement différent ?
Valnoir : On n’y a pas du tout réfléchi, mais de toute façon ce sera totalement différent. Cela dépendra du titre de l’album, des paroles, des chansons, mais il est hors de question de se répéter.
Hreidmarr : Il est hors de question de se contenter d’exploiter un filon.
Valnoir : Oui, je m’emmerderais, on s’emmerderait tous. On retrouvera probablement quelques éléments clefs de l’univers CNK, mais ça s’arrêtera là. Par contre, on a commencé à travailler sur les visuels de la réédition d’Ultraviolence
Hreidmarr : Autre scoop !
Valnoir : Autre scoop, oui !
Hreidmarr : Peut-être avais-tu une question là-dessus…

Les Immortels : Le sujet semblait un peu tabou, donc non, rien de prévu.
Valnoir : Tabou ? Ah non, pas du tout ! Il va bien y avoir une réédition d’Ultraviolence Über Alles, je sais que ça fait longtemps que l’on en parle…
Hreidmarr : Mais là, c’est en passe d’aboutir.
Valnoir : Scoop dans le scoop ! Cette réédition sera accompagnée de reprises et de remixes, par des groupes français.
Hreidmarr : Heu, ouais… non, il y a des new-yorkais aussi. Non, pas Hansel Und Gretyl, quoique ça aurait pu, mais un groupe de punk du Bronx, qui a fait une reprise de « Political Police ». J’ai même participé à l’enregistrement, c’était plutôt marrant.
Valnoir : Ce sont des gens que Hreidmarr a rencontré aux Etats-Unis il y a deux ans de cela. Une bande de punks du Bronx assez sales, et pas très bien tenus, pas très propres, mais ce sera le seul groupe étranger.
Hreidmarr : On peut citer les noms qui sont confirmés. Il y aura Tamtrum, Lower 48 (le groupe new-yorkais, donc), eux, c’est une reprise, ils la jouent sur scène, et elle figurera peut-être même sur leur prochain album, Herrschaft, Muckrackers, Punish Yourself, HIV+, Varsovie, qui fera une reprise. Le but est de ne pas se contenter de remixes bidons, comme ça se fait beaucoup dans l’electro, du genre « on va foutre un petit flanger, et basta ». Nous, ce qu’on a dit aux groupes, c’est d’y aller à fond, de triturer le morceau dans tous les sens, quitte à changer les paroles, réenregistrer des grattes, du chant…
Valnoir : D’avoir la même approche que nous pour les reprises en fait, se rapproprier totalement les morceaux.
Hreidmarr : Voilà. Le remix d’HIV+, par exemple, c’est de la grosse hard-tech/noise qui tache, mais on a aussi des trucs post-punk, et même presque surf music… Ceci dit, tout reste cohérent, on n’a pas choisi les gens avec qui on a bossé au hasard. On n’aura pas de remix raggamuffin ou ce genre de choses, en gros. Après, On va remasteriser l’album, refaire une belle pochette…
Valnoir : Oui, d’ailleurs, pour revenir à l’artwork, il va falloir s’attendre à quelque chose d’un peu surprenant, voire de relativement inédit, et qui risque de déplaire à pas mal de monde. Ca va être très étonnant.
Hreidmarr : De toute façon, toi, c’est ton boulot, entre guillemets…
Valnoir : Pas entre guillemets, c’est mon boulot tout court, hein. (rires)
Hreidmarr : J’aime beaucoup cette partie-là du processus, et je ne parle pas de l’aspect technique, mais plutôt de la phase de réflexion préalable, où l’on a des tonnes d’idées et très peu de limites, hormis celles que nous nous posons nous-mêmes…
Valnoir : Quoique, on a tendance à s’en poser de moins en moins… C’est vrai que c’est une phase très enthousiasmante, qui permet de développer un aspect du groupe, de le recréer, de le refondre totalement.
Hreidmarr : On parlait tout à l’heure du problème de la néo-culture actuelle, pourquoi on en vient à brûler des bibliothèques sur fond de proto-boudhisme, de tags et de slam: « l’art est par tous et pour tous », l’ignoble aphorisme… Ca peut être vrai, ça pourrait, dans l’absolu. Ca ne l’est pas parce que les gens sont des assistés mongoliens qui ne s’en donnent pas les moyens. Moi, ce que j’aime, c’est cette émulation, quand on bosse sur quelque chose, et que les idées pourries fusent, parfois elles ne serviront pas car trop débiles, mais elles nous font avancer quand même, c’est très enrichissant. Et puis, en général, on est vraiment dans une politique de surenchère, quelqu’un amène une idée, un autre rebondit dessus en allant plus loin, et au bout d’un moment on se dit « ah, ça c’est bon ! ». Je suis pas en train de te tenir le discours convenu de groupes de merde genre Enhancer « oui, tu vois, ce qui fait notre force, c’est nos influences différentes, toi t’écoutes du hip-hop, moi du metal, et brother, on est trop cools, parce que grâce à nos influences riches et variées, on arrive à faire une musique qui ressemble à rien ». Non, nous savons toujours où nous voulons aller d’un point de vue global, on a une vision commune très cohérente, c’est juste qu’au bout d’un moment, à force d’empiler les couches, ça donne une sorte de grosse pyramide d’abominations, et au sommet…
Valnoir : Une bonne grosse cerise ! Tout ça, c’est la base d’une création saine… Enfin euh, d’une création authentique.

Les Immortels : J’allais vous demander des informations croustillantes sur le prochain album, mais je crois que j’ai eu mon lot de scoops, non ?
Valnoir : Oui oui, estime-toi heureux !

Les Immortels : Quelques dates ont été programmées récemment (Templeuve, Bordeaux, et Les Ménuires)… S’agit-il de one-shots ou bien du début d’une nouvelle tournée ?
Valnoir : Pour l’instant ce sont des one-shots. Des one-shots au ski, parfois, on a été programmé au festival des Ménuires, qui nous propose un éventail de divertissements musicaux et sportifs.
Hreidmarr : Fatalement, le fait de changer de batteur nous a fait perdre du temps, on a pris un peu de retard, logiquement, on aurait dû retourner sur la route dès le mois de septembre… Ca n’a pas été possible, parce qu’il a fallu revoir plein de choses, mais on est super chiants et perfectionnistes, aussi…
Valnoir : Et on ne veut pas non plus jouer n’importe où avec n’importe qui…
Hreidmarr : Aussi. On est actuellement en train de repenser tout le show, au niveau visuel. Ca veut pas dire que tout va changer, mais ça va être amélioré, en tout cas !
Valnoir : On travaille avec une grosse société de production qui nous aide pour les projections vidéos, pour arriver à quelque chose d’extrêmement léché, pro et le plus impressionnant possible.
Hreidmarr : Effectivement, c’est quelque chose qu’on ne veut pas négliger, on a passé énormément de temps dessus… Ca nous parait aussi important que le reste. On tient vraiment à proposer un vrai show, à créer l’événement à chaque date, d’où le fait que quelque part, nous préférions nous réserver le droit de choisir de jouer dans les meilleurs conditions possibles, plutôt que de cachetonner, faire de l’alimentaire… En revanche, on n’a rien contre le fait de participer à une vraie tournée, une fois que le show sera bien rôdé. On a d’ailleurs notre booker qui bosse là-dessus, et qui est prêt à s’y investir, mais c’est vrai que pour l’instant, c’est nous qui avons toujours freiné un peu le truc, parce que l’on ne se sentait tout simplement pas prêt. Quoi qu’il en soit, nous allons continuer à donner des concerts jusqu’au prochain album, et on va essayer de faire en sorte que la fréquence s’intensifie.

La révélation du secret tant gardé du fameux couplet international de [C]osa [N]ostra [K]lub

Les Immortels : Qu’est-ce qui vous a amené, dans votre parcours musical, à faire CNK ?
Hreidmarr : A la base… En 1995…
Valnoir : J’ai mis 96 sur tous les tableaux, alors tu fais pas chier !
Hreidmarr : Non, mais je parle de ce qui m’a amené à CNK ! C’était en 94 même, je devais avoir 16/17 ans… Et j’ai découvert le metal extrême.
Valnoir : Oui, bon, là on accélère un peu, sinon on y est pour trois heures!
Hreidmarr : Ca a été un truc important pour moi. A la base je n’écoutais que du glam, du heavy et un peu de thrash. J’avais entendu parler du death metal, et lu quelques chroniques dans les magazines, ça commençait à devenir bien à la mode. J’avais acheté quelques disques, dont du Cannibal Corpse, parce que ça m’intriguait, et là je me suis dit « ouais, bon ok, pétard mouillé, je laisse tomber, c’est nul ». Ca ne m’évoquait absolument rien, à part un genre de bruit irritant éructé par des bandes de hippies floridiens. Remarque, quand je vois la touche de Chris Barnes à l’heure actuelle, je me dis que j’avais un certain flair, côté hippies… Mais bref, à l’époque j’écoutais aussi des trucs du genre Venom ou Bathory, mais c’était plus connoté thrash, pour moi. Jusqu’à ce qu’en fait je découvre Darkthrone et Emperor. Je me souviens que le batteur de mon groupe de l’époque m’avait filé le premier Emperor, il l’avait acheté à sa sortie parce qu’il aimait bien la pochette et le logo, mais en fait, musicalement, il n’avait rien compris. Du coup, il me l’a refilé pour mes dix-huit ans… Ouais, c’est chiant, hein ?
Valnoir : De quoi ?
Hreidmarr : Les photos, le flash. Enfin bon, il m’avait refilé son album et j’ai vraiment eu un déclic. Je me suis dit « putain, ça c’est bien ! ». L’ambiance, la prod, l’esthétique, tout me parlait. Le truc, c’est que le groupe dans lequel je jouais, Malveliance, était alors vachement porté sur le grind débilo-beauf, ce que je haïssais. Donc je les ai vraiment poussé vers Darkthrone, Emperor, et même Cradle, qui n’avaient d’ailleurs pas grand chose à voir avec ce qu’ils sont aujourd’hui devenus… J’ai fait en sorte que le line-up soit épuré, et le style du groupe a peu à peu viré au black-metal. J’ai rencontré Heinrich à ce moment-là, à l’époque dans une petite ville de province, il n’y avait pas grand monde qui écoutait du BM, et encore moins qui en jouait. J’avais entendu parler de ce groupe, on m’avait dit qu’ils étaient jeunes, mais vraiment malsains, borderline, et désagréables. Je me suis dit « il faut absolument qu’on me les présente ! ». Et évidemment, on a tout de suite bien accroché, on avait exactement les mêmes aspirations, j’ai quitté mon groupe, ce n’était pas un choix évident, parce que Malveliance avait un petit succès local et était composé de musiciens plutôt doués, alors que CNK n’existait quasiment que sur le papier, et que personne dans le groupe ne savait vraiment jouer… Mais on s’en branlait complètement, on était dans un état d’hystérie quasi permanente, on mettait un point d’honneur à faire chier le monde, on avait une attitude presque punk, destruction, autodestruction, chaos, si quelqu’un nous disait un truc, on faisait le contraire, et on poussait ça jusqu’à l’abject, systématiquement. Les concerts, c’était n’importe quoi, on se vautrait dans le sang de porc, le whisky et les tessons de bouteilles, le tout éclairé au strobo, et on balançait des reprises massacrées d’Impaled Nazarene, de Sarcofago… C’était très éjaculatoire, en fait.
Le seul problème, c’est qu’on a toujours été bridé, quelque part, par les autres membres du groupe, à l’époque, le line-up changeait relativement souvent, on avait du mal à trouver les bonnes personnes. Et on avait toujours l’impression, Heinrich et moi, de traîner les autres comme des boulets, non seulement on n’était pas dans le même trip, mais même musicalement, on ne se sentait pas libre. C’est pour cette raison que pour nous, la vraie naissance du groupe, c’est Ultraviolence, les démos sont bancales et merdiques, et elles ne correspondaient pas, même à l’époque, à ce qu’on avait en tête… Hormis peut-être l’additif rehearsal à la seconde édition de « Das Schwarze Order », que j’aime bien…
A un moment, on en a eu vraiment marre, et on a tiré la chasse, pour se retrouver en binôme, et les choses sérieuses ont vraiment commencé. Mais c’est vrai que dès qu’on a commencé à bosser sur l’Hymne, on a eu cette volonté de reformer un véritable line-up, et c’est, je pense, l’arrivée de Valnoir qui a été déterminante. On le connaissait depuis longtemps, et on avait même déjà pensé à lui, mais on ne savait même pas qu’il jouait de la basse, et comme c’était un gros branleur, on ne s’en serait pas douté.
Valnoir : Moi, je vais faire plus court, parce que je suis arrivé dans CNK en 2006. Mon parcours musical a été moins successful que mon parcours graphique, j’ai toujours été dans des groupes qui loosaient un peu, et j’en ai eu plein le cul, j’avais envie de faire de la scène, de faire quelque chose qui tienne la route, avec un peu de reconnaissance. Je connaissais les engeances ici présentes depuis pas mal de temps, j’avais déjà bossé avec eux sur Anorexia, Crack Ov Dawn, tout ça… Nico m’a fait écouter les premières démos de l’Hymne, et spontanément, je me suis proposé pour jouer dans le groupe, parce que je savais qu’à la clé, il y aurait éventuellement du concert, de la tournée, un truc vivant qui va au bout des choses. En effet, j’aime bien terminer ce que je commence, et j’étais un peu frustré par rapport à ça dans la musique. Et puis je me retrouvais bien dans le groupe, mes aspirations artistiques, néoclassiques, totalitaires, ce genre de choses que j’ai toujours trouvé intéressantes dans l’art. Et voilà, je me suis retrouvé avec eux.

Où le groupe adresse un message aux militants défenseurs des animaux.



Commentaires

5 commentaires sur “CNK : l’interview du fond des enfers”
  1. Vay says:

    Ahah, ils sont sympas eux, je les ais vu en concert mais j’etais tellement bourré que j’en ai pas le moindre souvenir, sinon celui d’un genre de contrebasse sur scene, et comme c’etait dans une sorte de festival, je suis même pas sur que c’etait bien eux.

  2. boubou says:

    aaaaaaah putain que j’ai ce groupe ! l’hymne à la joie est unique et est vraiment impréssionant musicalement. L’album dégage une histoire est tout est bien ficelé : L’hymna à la joie, vote for winner, dead europa dieholzermethode et le point de l’histoire avec Inexorable Parade. On passe de la démonstration de puissance, puis un rythme un peu plus posé avec les petits trains à la fin des chansons, pour finir sur une chanson bien glaucque et ” triste ” . Je pense vraiment qu’il y a énormément de réflexion pour cet opus.

    sinon Hreidmarr habite toujours à rouen ? histoire d’aller aux murphys avec :d

  3. totio says:

    Mais c’est quoi ce groupe de boulets ?
    Plus je me la pete (et fais donc caca dans mon froc) tu meurs ^^

  4. Daphné says:

    On tient là le commentaire du siècle, quand même. C’est beau !

  5. Killer Queen says:

    Daphné > Ah c’est sûr que le commentaire n’est pas fin, mais dans le fond, il est intégralement raccord avec la réalité des faits. Always look on the bright side of life!

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