Madame B – Moody Strang(h)er/Deeply (B)less (2006/2007 – 2008/2009 – autoproduit)
Les dernières années ont été marquées, non sans raison, du sceau de l’individualisme. Selon cette optique, l’être, dans sa singularité, prend le parti de se démarquer du mouvement des masses et d’affirmer sa propre latitude d’action. Cette tendance, souvent revêtue des atours ludiques ou techniques, s’incarne de manière visible dans les loisirs dits créatifs et le bricolage. Ces deux phénomènes sont traversés par l’idée qu’il est possible de tout faire sans entremise ni aide. De le faire soi-même.
Do It Yourself. D.I.Y. Bien plus qu’une simple traduction littérale et bien peu littéraire dans la langue de Shakespeare, cet acronyme renvoie, en matière musicale, à l’idée qu’il est possible de créer de manière indépendante, en dehors du circuit des majors. A l’origine consubstantielle d’une partie du mouvement punk, l’idée s’est peu à peu diffusée, inspirant des personnes d’horizons divers. Dont Madame B, avatar protéiforme de Sophie N.
La dame, longtemps titillée par l’idée de se livrer à des expériences musicales, a fini par franchir le pas. Affirmant ne pas savoir véritablement jouer des instruments qu’elle utilise, elle emploi basse, claviers, joue de sa voix et séquence, bricole et construit sous informatique. En toute indépendance et en pleine autonomie, ce qui fait doublement D.I.Y.
Cette posture la conduit à se livrer à une création toute en déconstruction : telle une Derrida des notes, Sophie N. bâtit en premier lieu des fragments qu’elle n’assemble qu’a posteriori. Les éléments employés peuvent ainsi paraître étranges ou inhabituels en eux-mêmes, mais le résultat, une fois lié, fait sens.
Et il ne faut pas forcément comprendre l’expression sous sa seule acception relative à la signification ou au message porté. L’idée de direction est tout autant justifiée. Même si la boucle reste la figure la plus régulièrement illustrée dans les danses de Madame B, la progression est bel et bien présente et on ne revient pas s’asseoir en toute quiétude à son point de départ. Les séquences entêtantes tressent le canevas au-dessus duquel plane la voix désincarnée, pareille à l’écho de pensées oubliées. Certaines lignes évoquent le phrasé d’un Ian Curtis, d’autres résonnent comme des vestiges d’Atari Teenage Riot. Mais ce ne sont là encore que des résonances portées par l’expérience musicales passées. Toujours est-il que l’identité des compositions est bien affirmée et se révèle séduisante. L’aspect tranchant et lancinant des différents morceaux, porté par l’énergie et l’envie de leur auteure, a ses charmes et ne se montre nullement lassante à la réécoute.
Construits au fil des années, les deux projets Moody Strang(h)er et Deeply (B)less ne livrent qu’un aperçu du caractère de Madame B. Mais cet aperçu donne envie de découvrir l’expérience dans sa plénitude. Et laisse curieux quant à la teneur des autres aventures de l’artiste, dont Topsy Turvy World, prochainement exploré dans ces pages.
Myspace : http://www.myspace.com/ladyboymadamebare
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